Texte : Eva Bourgin. La Presqu’ile de Lyon vient de perdre un de ses visages phares. Connue pour sa personnalité atypique et ses tenues colorées, « Mamie chiffon » ou la « sorcière de Bellecour » s’est éteinte à l’âge de 67 ans le 13 décembre 2021. Mais qui se cachait derrière cet accoutrement bigarré ? Lyon People a mené l’enquête.
Pour la majorité des Lyonnais et nos confrères de Bonbon, sa silhouette se résumait à des couettes sur la tête, des rubans enroulés dans les cheveux et du maquillage sur le visage. Mais pour ses intimes, elle était beaucoup plus que cela : un symbole de gentillesse incarnée.
Un cœur tendre dont la vie fut rythmée par des voyages, un travail rigoureux et une relation intime avec sa famille… avant un accident de la vie. C’est ce que nous avons découvert en allant à la rencontre des amis et de la famille de… Marie-Claude Fayard.
Marie-Claude était une femme brillante à l’esprit déterminé et rigoureux. « Je t’ai rencontrée il y a 62 ans. Tu as fait de brillantes études en droit », témoigne son petit-frère, Jean-Luc. Une relation complice, nourrie par les voyages familiaux durant leur jeunesse. Entre Espagne, Italie ou Istanbul, ces paysages ont fortifié leur culture du monde et leurs connaissances.
Élevée dans une famille du Droit, la jeune femme intègre le circuit familial et devient juriste tandis que son frère se destine au métier de notaire. « Il a déménagé de Lyon et elle est restée pour travailler dans l’entreprise immobilière familiale. Elle habitait près de la rue de la République », témoigne sa nièce Alexia, fille de Jean-Luc.
Sous le regard de son paternel, Marie-Claude trime sans relâche jusqu’à sa retraite. Une rigueur intense et une pression difficile à gérer qui la conduisent jusqu’au burnout en 2005. Depuis, l’ancienne juriste est en souffrance et seules les conversations avec son frère semblent l’apaiser.
« Elle ne croyait pas aux thérapies. Quand son papa est décédé, elle s’est sans doute relâchée », souffle sa nièce, tout en pudeur. Ainsi, les couleurs portées le week-end sont devenues quotidiennes, son maquillage lui est devenu plus intense et ses accessoires plus nombreux.
« Sur le rebord de chaque fenêtre de son appartement, il y avait un paquet de cigarettes et un briquet »
Sur sa tenue colorée du jour, Marie-Claude laissait vivre sa chevelure bouclée. Gitane au bec et vernis jusqu’au bout des ongles, elle appelait chaque semaine ses proches. « Elle était complice avec mon papa. Nous on parlait de tout, de maquillage ou d’animaux. Avec la crise, c’était difficile de se voir, elle ne voulait pas se faire vacciner », se rappelle Alexia.
Femme indépendante au caractère bien trempé, celle-ci se plaisait à parler de mode ou de peinture. « C’était un tableau vivant. Elle avait ce côté croyant puis l’autre underground, peut-être que son côté extrême servait à compenser les années de travail », ajoute sa nièce.
Une extravagance, parfois incomprise dans le regard des autres mais appréciée par ceux qui la connaissaient. « Elle avait les yeux maquillés et des épingles dans ses cheveux. Elle faisait peur aux enfants dans la rue Victor Hugo mais c’était une femme très gentille », témoigne Béa, habitante du quartier.
C’est dans un sourire inconnu, dans une conversation avec son chien ou lors d’une balade dans son cabriolet jaune que sa liberté commençait. « Elle adorait conduire cheveux aux vents, avec son chien sur le siège passager. Sa voiture – une Porsche Boxter jaune – a été vandalisée mais nous allons tout faire pour la réparer », explique Alexia. Alors voilà.
Une liberté cultivée par les choses simples
Pour les Lyonnais qui la croisaient, Mamie chiffon ou la sorcière de Bellecour n’est plus. Mais pour ses proches, leur pétillante Brigitte Bardot s’en est allée du jour au lendemain, laissant un vide difficile à combler. Une vie bien remplie, arrosée par une pluie de rencontres, inégalables, pour ceux qui ont eu la chance de croiser sa couleur.
Sous les voûtes de Saint François de Sales, sa paroisse, une trentaine de personnes s’est réunie fin janvier pour saluer son envol. A gauche du cercueil, une caricature d’elle rappelle son personnage en signe de dernier hommage.
L’œuvre fut réalisée par l’artiste Alan Latter lors de leur rencontre au Bon cru, l’un de ses bars favoris avec le Bar américain et L’Espace Carnot. Une âme inoubliable, tant pour les artistes que pour ceux qui l’ont croisée rue Victor Hugo ou place Bellecour.
Au revoir, Madame arc-en-ciel.
Très bel article pour une personnalité atypique qui fait voir la ville différemment que d’un défilé impersonnel
Je l’avais connu sur la marché de La Croix rousse chaque mardi quand elle passais aux stand .
elle était très instruite on parlais longuement ..
Paix à son âme …
Ki
Très beau témoignage, touchant dommage qu’il faut attendre que les personnes disparaissent pour réaliser qu’elle sont lâ. Faisant partie du même monde que nous. Sa descente au enfer peu nous arriver nul n’est à l’abri. On a détourné son regard de son nombril.
Égoïste et personnel que nous sommes devenue.
C est dur de vivre au tant de souffrance en France un si grand pays. Quel honte on ne la dénonce pas assez souvent.
Merci beaucoup pour cet article touchant, concernant une personne non moins touchante, que j’ai croisée bien des fois dans Lyon… J’ignorais tout cela bien sûr, je comprends mieux son parcours, maintenant et lui souhaite un bon voyage vers les étoiles qu’elle rendra plus lumineuse, je crois…
je l’ai connu à la terrasse de la brasserie de l’Espace Carnot où elle adorait siroter un petit verre de rouge avec une cigarette au soleil ..elle adorait le soleil et aimait discuter , toujours un sourire, elle va manquer sur cette place.. Une étoile qui va briller pour toujours dans le ciel
Joli témoignage, elle s arrêtait pour boire des café avec son chiens et était plutôt agréable. Une fois y avait pas de place je lui ai demandé si je pouvais me mettre en face d elle, elle a dit oui on a parlé 5mn en 2019, elle était pas vieille et était une véritable légende au centre-ville
Juste un petit rectificatif, le bar dont vous parlez à la fin ce n’est pas le grand cru mais Le bon cru, rue Sainte Hélène
Merci pour votre vigilance. Et santé !
Paix à son ame
Je me souviens elle sortait en boite de nuit et fumait ses gitanes..
Sur 1 million son visage et son allure m’ont marqués. C’est avec étonnement que j’apprends qu’elle était connue et bien appreciée. Paix à son âme.
Et que devenu son petit chien
C est une chance pour les morts : tous beaux , gentils….cela me rappelle une très belle chanson de MARIE PAULE BELLE
Merci pour cet article qui invite à toujours respecter les personnes atypiques. Mamie Chiffon faisait partie de notre patrimoine culturel Lyonnais. Grand hommage à elle
Je me souviens de ce personnage haut en couleur et de son fidèle compagnon… J’ai quitté Lyon il y a bien longtemps mais je la revoie très bien.. Doux zéphyr à vous, madame
Je suis de tout cœur avec ses proches une femme que peut connaissais mais quand on lui parlais on en apprenais beaucoup une dame au grand cœur
Reposez en paix
Travaillant rue Victor Hugo . Je l’a rencontrai tous les jours.
J’étais très surprise par son look.
Je pensais que c’était une personne froide
.Un jour je me suis retrouvée nez à nez chez le même commerçant à St Tropez.
J’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots avec elle.
J’ai vraiment ressenti une femme chaleureuse et très douce.
Qui correspondait pas à ce personnage de sorcière de bellecour.
Qu’elle repose en paix.!!
Encore une personnalité de Lyon qui nous quitte, je suis très triste… Sait-on où elle a été enterré ? J’aimerais aller lui dire au revoir : je n’apprends son départ qu’aujourdhui 🙁
J’ai appris, dans le dernier lyonpeople, la disparition de cette petite dame très colorée.. je la croisais 2fois par semaine en allant à la gym rue Sainte Hellène et nous avions toujours un sourire à échanger.. je suis très triste et j’aurais, volontiers, assisté à ses funérailles si je l’avais su. RIP Madame, Vous me manquerez.