Fernand Galula : l’oasis du papivore

11 septembre, 2007 | LES GENS | 1 commentaire

fernand_galula1 Photos © Jean Luc Mege

Dans sa maison cannoise, le patron volcanique à des airs d’Onassis à ceci prés que malgré toutes ses tribulations, il a de fortes chances d’arriver à vieillir heureux. Cancans sous les palmiers.

Bon sang de bon sang, après Miss Rhône voilà que le patron nous propose un autre patron autant décrié que recherché, un grand petit bonhomme, Fernand Galula. Pour le lyonpeoplien peu au fait du microcosme politico-économique, Monsieur Galula est un homme à la réussite biscornue, adepte de la douche froide ou chaude, que l’on dit saignant dans la rupture. Normal, Gallula est de la race des autodidactes, une espèce d’un autre temps qui pouvaient réussir à partir de rien. Parce que l’histoire galulesque, c’est la remontée d’un fils d’épicier juif tunisien, de Kairouan, à Sousse une fois par an pour la baignade. À Montpellier, il s’inscrit en médecine un mois, fait transférer son dossier à Paris où il abandonne le Vidal pour se glisser dans les pas de Francis Borelli, son maître à travailler. Ce dernier lui met le pied à l’étrier en lui apprenant un nouveau métier, on est en 1961, la vente d’espaces publicitaires dans les journaux. « Gallu » en pleine Nouvelle Vague qui l’eut cru ? On s’attend en allant le voir dans sa résidence cannoise à du récit de vieux mercenaire, mais Fernand n’en est pas encore à se la raconter, ni même en voix de « pépérisation ».

On le guette sur la Croisette, l’imaginant débouler dans une Bentley, un 4X4 Hummer, une longue américaine blanche aux ailerons déployés, et pourquoi pas dans une décapotable de mariés avec la couronne fanée sur le capot ? Rien de ça, Fernand même pas il fait du show, il arrive en bébé 4X4 asiatique, Anne sa très discrète compagne à ses côtés et cette peste de Jean-Marc Requien avec lequel il n’est plus fâché. On tourne, tourne encore, à l’assaut de Super Cannes, pour arriver en son fief. Quand Galula vous dit, « on entre par les communs », c’est tout simplement parce que la porte principale est fermée à la serrure quarante douze points. Super Cannes est devenu un coffre régulièrement dévalisé par une bande échappée « d’Orange Mécanique ». Fernand raconte qu’une fois, la personne dans le jardin là, ben ce n’était pas un invité. Non, ils étaient même trois sous le balcon avec un truc tout noir sur le visage. Depuis, il va et vient avec son trousseau de clefs. Il ferme, il ouvre.

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Le site est furieusement joli, la très ancienne maison a été réhabilitée par un ancien ambassadeur de Belgique à Monaco. Ce qui explique probablement le sol un rien pompeux de marbre gris et que les invités accourent, on recueille les noms d’Albert Artiaco, Jean Martinon, Olivier de Kermel bien d’autres encore dont quelques élus qu’il sélectionne ou un grand patron qui a défrayé le CAC 40, mais Fernand sait être discret. Le bouquet, c’est tout de même ce jardin extraordinaire peuplé d’une collection de palmiers et de cactées entretenu avec le plus grand soin. Au gré de l’allée, on circule pour prendre de la hauteur et rejoindre la piscine en surplomb, table sous la pergola, pool-house et une vue incroyable sur les îles de Lérins. Magnifique de toute part, en cet endroit, la vue est magistrale ; à l’Est, elle bifurque au loin sur la baie de Nice. Ici Fernand est à la bonne, en pantalon taché, pas grave mais pas question de bermuda, l’homme déteste « les jambes moches ».

Dérision, badinage voire humour noir, il a élevé autour de sa personne une barrière autocontrôlée. La maison fusse-t-elle jolie, est décorée sans excès, entre un piano, deux lampes Pipistralla de Gae Aulenti, une table en verre, choix a été fait d’une simplicité de contemporaine à vintage sans oublier l’art. Une aérienne sculpture d’Édith Simonet, une superbe collection de photographies de cinéma, et quelques toiles alléchantes dont un Chevrette qualifié de « plus grand artiste lyonnais actuel ». Dans sa vaste chambre c’est le foutoir du week-end, il dit avoir donné la plus belle à Requien, Fernand a même un ordinateur dans la rotonde des fois que les affaires reprennent. Il s’amuse actuellement dans l’immobilier et raconte goguenard, « Je guette des affaires à faire, des journaux à reprendre, genre Lyon… De toute façon, je ne lis que des journaux bien pensant ». En l’occurrence, un numéro de Courrier International dédié à la capitale des Gaules.

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Il faut savoir qu’après Paris, Fernand a lancé à Lyon dans les années 70 le principe des journaux institutionnels financés par la pub. Lorsque Michel Noir s’installera à la mairie, un cataclysme nucléaire éclatera entre les deux hommes avec Botton au soufflet. Noir a toujours exécré Galula, qui, fort de ses quatre contrats en bonne et due forme, n’a rien voulu céder… Les murs tremblent, les faux amis de Galula s’évanouissent ou prônent l’abandon. Rien n’y fait, Fernand va au tribunal des années durant et finira par gagner !!!  Usé aussi. Malade, opéré maintes fois, on n’en donne pas cher. Mais le voilà qui surgit à nouveau avec superbe, Galu porte beau le costard chic. Entiché d’un jeune journaliste, le fils qu’il n’a jamais eu, il lance Tribune de Lyon. Malgré la bonne volonté ponctuée de quelques incohérences, l’hebdomadaire traîne à l’allumage et là encore des conflits logiques dans une rédaction (une histoire d’allégeance au maire) filtrent sur la voie publique. Le microcosme se réjouit, le maire Collomb II passe un savon à la presse lors des vœux et colle tout le monde au pain sec et à l’eau. Fernand cède le canard à ses journaleux qui aujourd’hui disent humblement, « c’est notre fondateur ».

Fernand ne sait rien faire sans faire du bruit, ce qui dérange le Lyonnais qui ne fait jamais rien si ce n’est du bruit sur le compte d’autrui. À part ça, on peut dire qu’il va bien, probablement apaisé, il ose la caresse sur la joue d’Anne, allume le four, fait le tri des bouteilles, et en tribun ne jacasse point mais assène, « Moi au Medef, je connais personne et tout le monde à la CGPME ». Et fait hurler la galerie avec ses adages à consonances, « il y a une vraie confusion entre élection et érection ». Galula sait pertinemment qui il est, qu’il ne goûtera point à la reconnaissance, la faute à ses origines, son parler cru, vrai ou faux, en tout cas dérangeant. Pas assez domestiqué l’animal. Alors il n’en rajoute même pas quand il vous reçoit, préférant s’amuser avec une mignonette fillette qui fait de « gros lapin » absolument ce qu’elle veut. Tant mieux. On comprend que seuls comptent désormais ses très proches, ses filles, petits-enfants, sa famille d’aujourd’hui. Quelques amis fidèles. Et c’est tant mieux, pour vivre vieux, vivons heureux.

Nadine Fageol

1 Commentaire

  1. L'Indien dans la ville

    Il parait que tout la ville passe des week end chez, de Gégé en passant par les Brunet-Leconte ! et moi ! tu m’invites quand ?

    Réponse

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