Par Nadine Fageol
Seule facétie de l'ancien président de la CCI de Lyon, les concours d'élégance de Rolls Royce quand elles ne tombent pas en panne. Pour le reste, l'homme qui a connu une trépidante carrière auprès de Charles Mérieux a eu très jeune la bonne idée d'emballer une Myriam, blonde et irrésistiblement piquante. Rencontre au parc.
Par un après-midi à ciel douteux, nous arrivons au sud-ouest de Lyon dans le parc d'une massive maison bourgeoise peuplé de cèdres aux branches aussi seyantes que les volants d'une robe seventies. À peine mis pieds à terre que Guy Malher, très chic vieille France dans son blazer anglais, papote bagnoles avec Marco. Dans ces cas-là, il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre… Nous ne sommes pas au bout de nos surprises, l'ancien président de la Chambre de Commerce de Lyon (1994 à 2000) a comme qui dirait un gros faible pour les chromes racés issus de la Perfide Albion dont une Sylver Cloud I moka chocolat – la plus belle de toute les RR selon le rédac'chef – ayant appartenu à Philippe Noiret et achetée pour le mariage d'Arnaud, son fils et qui n'a rien trouvé de mieux que de tomber en panne avec la mariée dedans. Nous décidons qu'il va promener ses bijoux comme ça on pourra faire de jolies photos chic et tout. En ces périodes de crise mettant à genoux un monde financier sévèrement borderline, on se dit que Guy Malher a parfaitement raison de s'adonner à sa marotte. Il est tout de même plus pertinent de posséder des voitures de collection qu'un ex joli portefeuille mâchouillé menu par un virus nommé subprime. « La France n'est pas tombée assez bas », Guy Malher se remémore une prophétie de Raymond Barre… Et continue de plus belle, « maintenant on ne discute plus que droits acquis, parachute doré et stock option ». Heureusement, il y a Myriam la bonne fée. Belle, blonde élégamment maquillée avec de la poudre brillante sur sa peau dorée. Du haut de ses 70 ans, la superbe de dame Malher rassure sur l'idée qu'il fait bon vieillir. Attablés face à la piscine dans le vaste pool-house devant un plateau de macarons, on fait plus ample connaissance. Convaincu que les Allemands allaient envahir l'Alsace et la Loraine, le père de Guy quitte cette dernière et installe sa famille aux Sables d'Olonne en 1939. Le père fait dans l'immobilier et Guy va dans ce nouveau lycée construit pour tous ces réfugiés. Entre locutions latines et formules mathématiques, Guy s'entiche de la jolie Myriam, « un amour de plage en provenance du Bas Berry » s'amuse-t-il.
Sa vie sentimentale définitivement réglée, il part passer le concours de vétérinaire à Maisons-Alfort, fait son armée à Compiègne puis devient chargé de l'inspection des viandes au Ministère de l'Agriculture en poursuivant en parallèle le cursus Sciences Po. Le concours d'entrée à l'ENA manqué, il fait contre mauvaise fortune bon cœur, car « l'homme qui voulait vacciner tous les enfants du monde », Charles Mérieux demande à le rencontrer. Il a besoin d'un vétérinaire maîtrisant le Droit pour la mise en place de contrats de vaccination. Lors de la rencontre sur le trottoir d'un grand boulevard parisien, au jeune homme qui s'enquiert sur ses conditions de salaire, Monsieur Mérieux évacue par un « Oh je ne sais pas, vous verrez à Lyon ». C'est ainsi qu'à 22 ans, Guy Malher débarque à l'Institut de la Fièvre Aphteuse de Lyon. Cependant il va devoir ferrailler dur pour récupérer Myriam que ses parents ne souhaitent pas voir s'installer dans cette ville « infréquentable, sombre et triste ». Quant au salaire, il gagne moins qu'en tant que contractuel à mi-temps au ministère de l'Agriculture ! En revanche Monsieur Charles lui a refilé une garçonnière à Décines et l'installera ensuite dans un appartement familial du boulevard des Belges où il va vivre quelques mois avec Léonie, l'ancienne gouvernante de Madame Mérieux. Il va ainsi participer à la formidable aventure de l'entreprise Mérieux, de la « faramineuse » entrée en bourse en 1968 à l'expansion mondiale, il fera d'ailleurs de nombreux voyages en Amérique du Sud, aux USA et en Asie. Nul doute, Malher adorait Charles Mérieux qui, un beau jour, lui assène : « Il va falloir que l'on révise votre salaire ! Voilà que vous gagnez autant qu'un directeur général ». N'étant plus un débutant, Guy Malher touchait alors 10 centimes (d'anciens francs) par dose pour le premier million de doses vendues et 40 centimes par doses supplémentaires. Dans un pays où la vaccination est obligatoire, c'était Byzance ! Voilà comment un profil atypique de véto féru de droit conduit un jeune homme à participer à la saga Mérieux jusqu'en 1997, pour devenir un spécialiste des questions financières prenant le pouls de la cité à la tête de la Chambre de Commerce et d'Industrie pendant 6 ans, et celui de sa jeunesse en tant qu'enseignant au CPA d'EM Lyon. De son passage à la tête de la CCI, on retiendra surtout la rénovation réussie du Palais de la Bourse, les investissements à Ecully (EM Lyon) ou à Vaise (reconstruction du centre de formation) et à Satolas dont Guy Malher a changé le nom en Saint Exupéry et qui fut sa passion, « bien plus que mes quelques voitures » avoue-t-il. Cette inclination pour le transport aérien conduisit le Ministre des Transports à lui confier, dès 1995, une mission pour réfléchir à l'évolution des aéroports et des compagnies aériennes et lui valut d'être promu Commandeur de la Légion d'Honneur.
La retraite bien sonnée, à 76 ans il œuvre comme vice-président de Siparex, un des tout premiers groupes français indépendants de capital investissement et d'ingénierie financière destinée aux PME et siège au conseil d'administration et au comité d'investissement de plusieurs sociétés dont SBT, créée par Michel Noir et Evolem avec Vanessa Rousset. Sur la prestigieuse dynastie à la destinée familiale tragique, il reste discret et pudique d'une façon générale. Ses deux hobbies sont sa famille et ses voitures à bord duquel il aime rafler les concours d'élégance à Deauville. On grimpe à bord de la petite dernière, une Corniche cabriolet intérieur cuir, plaid du chien inclus. « Les montres sont plus faciles à collectionner tout de même ». Piquante, Myriam qui se définit comme « une fleur de macadam » à éclosion instantanée devant une vitrine, annone dans la formule percutante, parfois cinglante, non sans lucidité. « Les copains véto, c'est sacré, après, ce sont des relations mais je me suis fait de bons amis avec entre autres des épouses des Consuls, des membres du Cercle de l'Union ou du Prisme..» Dans leur cercle proche, on peut croiser Michel Besse, ancien Préfet de région à Lyon qui contribua beaucoup à préparer l'avenir du site aéroportuaire, Jean-Marie Chanon, ancien Bâtonnier, Alain Schimel, PDG de Zilli, François Muller, Président du directoire de la Banque Rhône-Alpes et Jean-Claude Condamin, PDG de Sogelym Steiner. Mais la vraie passion du couple se porte sur Arnaud, Cyril, Bertrand, leurs trois fils, un cadre administratif, un directeur financier, le dernier, cadre commercial qu'ils ont tant de plaisir à recevoir. Myriam qui a religieusement suivi son homme, « il fallait bien, j'avançais en âge et en sagesse » ne regrette pas de s'être frottée aux codes d'une bourgeoisie lyonnaise peu amène car elle a voyagé aux quatre coins du monde.
Aujourd'hui ils voyagent toujours beaucoup et naviguent dans l'Hexagone, entre Les Sables, Lyon et Paris pour les affaires courantes, et Saint Trop' où le couple possède sur le port « un appartement bien placé ». Ils ne restent guère longtemps au même endroit. « Maintenant avec les médias, on vit dans l'instant ; le lendemain on passe à autre chose ». Alors Guy a acheté un I-Phone, pratique pour la météo intégrée. Myriam l'admire « parce qu'il a une claire vision de ce qu'il faut faire ». Et, la grande maison là-bas au fond du parc ? « C'est un dortoir, on vit dans le pool-house ». Elle appartenait à un médecin qui « emballait les enfants dans du persil ». Le toubib aux méthodes peu conventionnelles n'était en rien un ogre à vocation gastronome, simplement un pionnier de l'homéopathie dans la grande tradition médicale lyonnaise comme nous l'expliquera plus tard un Lyonnais au fait de l'histoire de la cité.
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