Jean-Michel Bergougnoux, un petit coin de France à NYc

4 juin, 2009 | LES GENS | 0 commentaires

 

bergougnoux1 Photo © Jean-Luc Mège

 

Par Nadine Fageol

 

Il a fait de « l'Absinthe » une enclave du bon manger. Avant d'en arriver là, l'Auvergnat formé à l'école lyonnaise s'est fait marabouter en Afrique et a écouté les sirènes du Pacifique. Chez lui, on trouve du St Nectaire fabriqué par des nonnes du Connecticut. So long.

 

Quand on entre dans l'Absinthe, grande et belle brasserie à la décoration dans la tradition Toulouse Lautrec, on a un peu de mal à croire que l'on est dans Upper East Side, le quartier des Gossip Girl. Jean-Michel Bergougnoux est un grand gaillard au calme olympien dont le parcours laisse songeur, ressemblant à celui de Boulud, la notoriété en moins mais Bergougnoux peut prétendre avoir rencontré les sirènes du Pacifique !!! Cabernetttttttt, Sauvignoooooooon », onze heures du matin, le chef de salle fait l'inventaire des bouteilles, et nous cuisinons Jean-Michel en enfilant des gougères maison. Déboulant de son Auvergne, il est allé se dégrossir dans un hôtel de Chauffailles avant de rallier la brigade de Jean et Pierre Troisgros. Auprès de ses « maîtres », il traverse le séisme culinaire qui, dans les années 70, voit beurre, crème et farine devenir portions congrues au profit de la nouvelle cuisine. Arrive l'armée, à la cantine du général Leborgne va naître une amitié de toujours avec le boulanger François Pozolli. S'ensuit une campagne sudiste pour tout savoir du légendaire artichaut barigoule de Roger Vergé. De là, la filière Troisgros l'expédie en session relais et château au Danemark où il s'amuse ferme avec un certain Daniel Boulud. De retour, il se plaint de son Anglais et le gang de Roanne le téléporte au Connaught, hôtel prisé de la famille royale ou il récite l'Escoffier dans l'assiette. À Lyon, il néglige un poste de maître saucier chez Bocuse pour entrer chez Lacombe qui, au bout de trois ans, en fait un de ses mercenaires… Vroum, le voilà au Méridien de Dakar à la tête d'une fantaisiste brigade. « Chef, fais bien attention, tu as été marabouté ». Ouf, Lacombe « consultant international » avec Rostang et Chabran, le réclame pour assister Marc Liepez (Café du Marché), dans l'ouverture du Sereno à Saint Barth' puis le voilà à Beverly Hills devant un trou plein d'eau en guise de restaurant et comme la pompe à eau est en panne, le commanditaire américain l'installe au El Rex et Michael Jackson en habitué des table en Lalique, « un truc de fous furieux avec un chef italien fantastique ». Débarquent les consultants de Lyon qui stoppent net l'affaire de sirène du Pacifique.

 

Et Rostang d'affecter Jean à New York au Plaza Athénée en remplacement de Daniel Boulud parti faire le Cirque. Passe une année, mais le propriétaire du Lutèce, fleuron de la cuisine française, en quête de relève pour sa maison. Bergougnoux le débauche. Juste un temps, Jean apprivoise le Cygne où il pense accrocher les étoiles. Bing, trois étoiles tombent du New York Times bien plus importantes que celles du Michelin. Bang, un mois plus tard les 40 membres du personnel se retrouvent sur le trottoir pour une sombre affaire de bail commercial ! « L'Amérique peut être traître ». Marre des sirènes et des étoiles, Jean reprend le Comptoir, place to be qui écume les chefs pour racheter cinq ans plus tard tout, l'immeuble avec bureaux et appartement. Enfin chez lui et là, il va « essayer d'être authentique et faire son petit coin de France ». De Californie, d'Espagne et de France, il peaufine une carte de liqueurs d'absinthe avec tout le cérémonial de la fontaine au sucre dans la cuillère qui le soir enchante une clientèle politico-médiatico-institutionnaliste et Isabella Rossellini  en regular star. La cuisine de bistrot du départ a évolué vers les jolis classiques, sole meunière de Douvres, pâté de chevreuil, poularde truffée… Le rassurant répertoire a fait la réputation des lieux d'autant plus que « à New York, plus personne ne veut faire de pot-au-feu. Je soupçonne la jeune génération de ne plus savoir faire un cassoulet ». Aux premières semonces de la crise il y a un an, il réagit immédiatement en abaissant son ticket moyen de $75 à $62. « C'est la troisième récession que je traverse et cette crise est grave, il nous faut continuer à apporter du plaisir pour moins d'argent ». Le week-end, n'en déplaise à son épouse, il s'échappe dans la maison du Connecticut pour bricoler et sortir la Harley, c'est comme ça qu'il a déniché des nonnes qui fabriquent du Saint Nectaire, désormais à sa table !

 

 

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