Par Jocelyne Vidal
Le célèbre couturier lyonnais est décédé ce matin des suites d’un cancer contre lequel il se battait depuis des années. Retour sur un parcours des plus stylés !
Avec Max Chaoul, la mariée n’est jamais trop belle, voire rebelle…Corsetée de cuir brut rebrodée de dentelle, auréolée de soies lyonnaises et d’organza ciselés de papillons ou de fleurs pastelles… Fatale ou réservée, sauvageonne ou rock…mantique, la femme reste l’éternelle muse du couturier élu à maintes reprises meilleur créateur français de robes de mariées.
« Une robe est d’abord le fruit d’une rencontre, d’un échange, elle doit transcender la personnalité de la jeune femme que je m’attache à saisir pour mieux la sublimer », confie-t-il l’œil pétillant. Pour le lauréat du Meryl Award de Venise en 1999, du Couture Bridal Awards de New York en 2001 et du Wedding Trends Awards de Paris en 2003, créer la robe du plus beau jour de notre vie, se veut un acte d’amour (1).
Un premier coup de ciseau à huit ans
L’empire de l’éphémère déroule le fil de souvenirs chers à celui qui célèbre cette année ses noces d’or avec la mode. Voilà 50 ans que Max Chaoul tisse avec elle, une relation passionnelle. Immergé dès l’enfance dans les soyeux tissus, précieuses matières des vêtements qui garnissent les portants du premier magasin de prêt-à-porter de sa mère, Grande rue de la Guillotière, Max donne à huit ans son premier coup de ciseau dans la robe d’une cliente en plein essayage !
Stupéfaction et admiration des parents qui ouvrent en 1963 deux boutiques rue Victor Hugo, Cécilie et Marie-Mag’. Pensionnaire avec Alain, son frère à Notre-Dame de Mongré à Villefranche-sur-Saône, le jeune Max noircit ses carnets de croquis de costumes, sans déroger à la sacro-sainte discipline de l’établissement choisi par Simone et Daniel Chaoul, pour inculquer à leurs enfants les vertus de l’exigence et de la persévérance. Terminer leurs études secondaires à Lyon donne l’opportunité aux deux frères de gagner leur argent de poche en faisant des concours de vente de manteaux le samedi, dans les deux magasins de prêt-à-porter de leurs parents. L’un reprendra l’une des boutiques familiales, l’autre deviendra un créateur d’envergure internationale.
Des robes de baby-dolls…
Séduit par l’univers des boutiques de sa mère, découvreuse de grandes pointures de la mode des années 65 –Cacharel, Daniel Hechter et Pierre d’Alby-, le jeune Max opte pour une formation de styliste. Entré au Cours Georges en 1967, il dessine et réalise dans l’atelier de Simone, les premières robes des idoles des sixties. Des baby-dolls parées pour être « les plus belles pour aller danser. » Suivent des collections d’écharpes de satin de soie marquées des initiales de clientes des boutiques chics de Lyon. A dix-huit ans, Max cartonne déjà et investit ses premiers bénéfices dans un rutilant cabriolet Honda.
Le temps de clôturer ses trois années de formation par un stage chez Pierre d’Alby, le jeune créateur fait ses gammes d’assistant chez Castebajac, Agnès b’. Sous l’influence de Matisse et Magritte, il peaufine sa palette d’esthète de couleurs subtiles et matières iridescentes. Le charisme et le talent de Max font florès à Paris où il eût pu faire carrière si, au hasard d’un passage à Lyon, l’étalagiste de sa mère ne lui avait présenté l’ami qui vient d’ouvrir l’entreprise de prêt-à-porter féminin « Christian Joss ». Son dirigeant Christian Margot commande quelques dessins et bientôt une collection entière à Max.
…à la première collection à 20 ans pour Christian Joss
Nous sommes à la fin de l’année 70. Max Chaoul entre à 20 ans dans l’aventure de créations toujours évolutives, représentatives d’un univers. Celui de Walt Disney inspire ainsi les tissus de la première collection « Christian Joss printemps-été 1972 » présentée à Paris, au salon du prêt-à-porter. Des robes courtes aux chaussures à talons compensés, en passant par les chapeaux, des tons vifs déclinent d’éclatants arcs-en-ciel chez le pionnier du total look. Le succès commercial est au rendez-vous d’une jeune carrière qui démarre sur les chapeaux de roue.
Sitôt revenu de Rio où Christian et lui ont représenté la mode française au Brésil, Max transpose ses envies de couleurs et tissus vaporeux dans une boutique du port de Saint-Tropez. En plein développement à l’international, Christian Joss conforte la notoriété de sa griffe en ouvrant dès 1973 une boutique à Paris puis un corner aux Galeries Lafayette.
L’égérie d’une vie : Clémentine
Sacré « meilleur créateur français diffusant à l’étranger en 1975 », Max a puisé à Accalpulco l’inspiration d’une collection ultra glamour qui n’attendait plus que l’égérie… d’une vie. La silhouette gracile de Clémentine « divine, sublime d’élégance et de classe » (2) se profile devant le stand de Christian Joss au salon parisien du prêt-à-porter. Coup de foudre… Le créateur surdoué et l’acheteuse en quête de nouvelles griffes pour des boutiques parisiennes, ne vont plus se quitter.
Au début de l’été 1976, Max a repeint sa Bentley en blanc crème pour rejoindre à Rome sa compagne, dont la sœur est l’assistante de Liz Taylor. L’air de Cinecitta ne flotte pas par hasard dans la boutique de la rue Emile Zola où Clémentine s’est laissée convaincre par Max d’ouvrir un temple de la jeune création. Le nom de la diva s’inscrit en rose fushia au-dessus des vitrines serties de laque noire. En six mois, Clémentine a conquis Lyon, habillé le microcosme de son ensemble-signature : jupe plissée, bustier et blazer à écusson.
Vues du Faubourg Saint-Honoré lyonnais
Locomotives de la mode, Clémentine et Max embarquent leur bande de copains –Stéphane Kélian, Robert Clergerie et Georges Cellerier- dans la métamorphose de la rue Emile Zola en Faubourg Saint-Honoré lyonnais. Mis en musique par Arlette Lefrancq-Lumière, des défilés-événements mêlent jazz dance et numéros de claquettes. Entre-temps, les difficultés financières de Christian Joss l’obligent à se séparer de Max Chaoul.
Le styliste vole désormais de ses propres ailes de créateur et de chef d’entreprise d’une marque au top. « Il fallait voir ce que véhiculait la marque », relate Georges Cellérier :« Max n’a jamais autant de talent que lorsqu’il travaille directement sur le corps de la femme : il drape, fronce, plisse et façonne un vêtement original, somptueux. »
Entre deux brouilles des Burton-Taylor de la mode, la success-story de Max et Clémentine fait escale à deux pas de Bellecour, à l’hôtel de Varennes. Le Tout-Lyon de la culture, de la politique et des affaires redécouvre avec jubilation la tradition des salons littéraires dans la luxueuse demeure du XVIIIème où le couple marie avec brio mobiliers contemporains et des années 30-40, sur fond de toiles d’Aubanel et Braconnier.
La mode est une fête…
Théâtre de fêtes mémorables, « le salon » est aussi le berceau du « magazine de création » conçu par le couple pour évoquer son métier, ses projets de Lyon à New York, en passant par Paris où s’ouvrira au printemps 83 la boutique Max Chaoul de la rue de Seine. Son rachat deux ans plus tard par une ancienne cliente, donne à Max les moyens de développer un réseau de franchisés à Grenoble, Annecy, Cannes, Genève et Tokyo. La recherche de partenaires financiers s’impose pour pérenniser la marque. Lasse de voir l’univers du business empiéter sur celui de la création, Clémentine quitte l’entreprise pour ouvrir son bureau de costume designer du 7ème art à Paris.
…aux lendemains qui déchantent
Clémentine Création n’en sera pas moins le nom de la société anonyme constituée en 1990 par Max Chaoul, actionnaire minoritaire et Jean-Michel Aulas, PDG qui investira plusieurs millions dans l’entreprise. Si la société dégage l’année suivante un important bénéfice, l’exercice de 1992 révèle un résultat négatif de 2,4 millions. Au cours des six premiers mois de 1993, la perte atteint le million.
Le couperet tombe. Le dépôt de bilan résultant selon Jean-Michel Aulas, d’un ensemble de circonstances : « La conjoncture est difficile. Concevoir et fabriquer en France n’est aujourd’hui plus possible. A cela s’ajoutent la frilosité des banques et le fait que nous ayons été obligés de racheter un certain nombre de nos franchisés. » (3)
Abattu et meurtri, Max se sent trahi. Soutenu par de fidèles amis et les membres de sa famille, notamment son frère Alain, il se reconstruit peu à peu. Il n’est pas un jour où d’anciennes clientes lui déclarent ne pouvoir confier à un autre styliste que lui, la création de la robe de mariée de leur fille. L’amour du métier conjugué à son idéal, « donner du rêve, de la magie et du bonheur aux femmes » (2) l’amènent à créer une, deux puis trois robes dans un petit bureau de la rue du Plat. Les soyeux lyonnais jouent le jeu. Deux générations de clientes se croisent dans un bruissement de satins, organzas légers et tulles aériens.
La renaissance d’un empire de la robe de mariée
Fort de son nouveau défi, « rendre la robe de mariée de plus en plus fashion et inoubliable », il transforme le petit bureau de la rue du Plat, à deux pas de son futur appartement de la place Bellecour (4), en show-room puis en boutique, investit l’espace parisien des robes de mariées de la boutique Kashiyama. Le succès est au rendez-vous de la nouvelle société qui a bientôt pignon sur rue François Dauphin, entre salons baroques et vases débordant de fleurs de soie. Un décor assorti à la volonté du créateur de « matérialiser les rêves les plus sages comme les plus fous ».
Occasion pour Max de transformer en roseraie du 18ème siècle, le stand proposé par un ami au salon parisien du prêt-à-porter de septembre 1995. Les retombées s’avèrent fulgurantes. Les demandes de diffusion affluent d’Italie, des U.S.A., des pays arabes, du Japon et des quatre coins d’Europe. Franck et Fils, filiale du groupe LVMH offre un espace exclusif de 60m2 aux robes de mariées de Max, star de l’exposition « Invitation au Mariage » du Bon Marché.
Ardent ambassadeur de la ville qui l’a vu naître, Max règne sur un empire de la robe de mariée où le soleil ne se couche jamais. Pour l’abriter, Il lui offre un nouveau palais baroque, une boutique parisienne surgie d’une séquence de La Belle et la Bête, quai des Grands Augustins. A deux pas du Pont des Amoureux…
(1) Cf LyonMode édité par Esprit Public et Habillement Rhône-Alpes
(2) Cf Max Chaoul Tous les Secrets du Style de Fabienne Gay Jacob Vial (R.B Les Editions)
(3) Article de Marie-Annick Dépagneux dans Les Echos du 10 août 1993
(4) Magazine Lyon People, spécial Bellecour, Juin 2012
> L’interview la plus déjantée de Max Chaoul au KGB pour Lyon People est à retrouver ici
LE COMMUNIQUE DE LA FAMILLE transmis par Alexandre Knoll
« Et voilà MAX a tiré sa révérence tout en douceur et élégance ce matin.
Nous étions tous avec lui, Clémentine, Annik, Eglantine et moi
C’était doux, paisible et la tristesse pleine de légèreté.
Il est parti exactement comme il le souhaitait, avec une grâce infinie et une grande dignité.
La veillée aura lieu ce soir a Cusset
Et l’enterrement aura lieu au cimetière de Champagne vers 11h demain, mercredi 2 décembre. »
Alain CHAOUL et Clémentine
HOMMAGE DES LYONNAIS(E)S DANS LYON PEOPLE
Dans son édition de janvier 2021, notre magazine consacrera un beau dossier à l’ami Max.
Ce numéro collector comportera un album photos des Lyonnaises et des Lyonnais avec ou en Max Chaoul !
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs faites-nous parvenir vos photos de mariée, de défilé ou de soirée (avec leur légende) à contact@lyonpeople.com
ou par courrier à Lyon People – BP6171 – 69469 Lyon Cedex 06
Merci d’avance !
Marco et Nico et toute l’équipe de Lyon People
ADIEU Mon bel ami ton absence est déja douloureuse.
Claude
Bon voyage mon cher Max, ton sourire et ton élégance à jamais dans nos coeurs.
Magnifique article sur un magnifique talent