Par Nadine Fageol
Lyonnais d'enfance, Parisien d'adolescence, New-yorkais depuis 30 ans pour les beaux yeux de Karla. À 66 ans toujours sur le pont, il travaille au rapprochement franco-américain. Double langage.
L'heure de la retraite arrivée, Marc Bienfait est resté plus que jamais actif, « senior citizen » comme il dit. Il adore ça. Contacté par le team d'Inlingua, centre de formation linguistique avec à charge de développer le marché des langues auprès des entreprises franco-américaines. On le rencontre dans French Building – du nom du propriétaire Frederick F. French, un Donald Trump période 1927 – à la spectaculaire décoration Art-Déco finition bronze massif martelé. Adresse prestigieuse à vocation pratique, L'Oréal l'un des clients must est à deux pas. Inlingua a développé le « cross cultural », méthode d'assimilation expresse par la conversation sous le joug de professeurs diplômés. « Rien de mieux pour apprendre que de com-mu-ni-quer » alors aux bureaux les cadres apprennent allemand, chinois, espagnol, français, italien ou russe en trois semaines à raison de 6h par jour. Marc a une façon bien particulière de raconter les choses, du rire plein la bouche et des mots qui font tilt. Lyonnais de la clinique Duquesne, son père a travaillé pour le Comptoir des Textiles Artificiels de la famille Gillet, futur Rhône Poulenc. Le père grimpe les échelons pour atteindre le poste de DG, et Marc de devenir « adolescent parisien ». Une licence de marketing plus tard, il rentre chez Rank Xerox puis un jour rencontre Karla, belle italo-américaine qu'il va poursuivre de ses assiduités jusqu'à New York. Mariage. Karla enceinte en France, le père s'en mêle. Italien et médecin, ça fait beaucoup ; Carla doit accoucher aux USA et puis il y a tellement d'opportunités pour Marc qui en 1979 fait « une migration d'amour » dans une famille très soudée et travaille 17 ans durant aux services grands comptes de Pelikan, fabricant de cartouches d'encre.
Maintenant au sein d'Inlingua, il collabore en liaison avec l'association des Lyonnais de New York, créé à la demande du consul il y a trois ans et gérée alors par Bruno Dellinger, rescapé des tours de 9/11. Objectif, développer les échanges entre Lyon et New York, « à moins de faire partie de la mode ou de la food, au pays de la free entreprise où l'on peut créer une société pour 50 $ les Français sont perçus comme des amateurs ». Toutefois il accrédite la thèse du pays de pionniers, « si vous arrivez avec une idée, cela reste possible de la développer ». La France avec ses tentatives socialistes, ses congés payés, ses saucissons, il avance une litanie de clichés qui pour l'Américain fait des Français des gens pas sérieux. D'un coup, le Français qui est en lui se remémore, « j'ai vu votre maire à la télé l'autre jour devant un saucisson chaud, j'en rêve la nuit. Du saucisson, bien sûr ! ». Puis se reprend pour évoquer ces « cross cultural séminaires » où l'on apprend aux frenchies en phase NYc « rigueur et maîtrise » car décidément la France, toujours en vacance, colporte une mauvaise image sociale. « Lorsqu'on émigre, on devient de plus en plus patriote. Tous les deux ans j'adore retourner dans la maison de famille du Bugey ». De passage à Lyon, il escale à l'Hôtel des Artistes et se régénère en lyonnaiseries à « la brasserie de Jacotte ! À propos, il est bien le nouveau chef, Viannay c'est ça ? ». Marc Bienfait est un drôle de monsieur cultivant un rôle d'agent trouble, encore un peu français pas pleinement américain. New-yorkais. Là, il salive à l'idée de la French Bastille Day Fair patronnée par l'Alliance Française le 14 juillet entre la 5e Street et Lexington qui voit les chefs français mettre les petits plats dans les grands et le jeu de boules en vogue au cœur de Manhattan. Du « crash intensity » qu'il vous dit.
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