L'INTERIEUR D'UNE POUPEE
Par Nadine Fageol – Photos de Jean-Luc Mège
Sous ses airs de jeune fille en fleur, la chanteuse lyrique se révèle une ferrailleuse de première. Son printemps de Pérouges trimbale public et artistes en zone industrielle. Vibration.
« Oh Johnny, si tu savais, tout ce que Marie, nous fait »… Trêve de détournement de chansonnette, le patron, alias Marco, nous a dégoté une fille, oui une vraie, blonde qui plus est. Un régal. De la blonde qui non seulement inaugure la salle 3000 en chantant avec Al Jarreau mais est à l’origine du « Printemps de Pérouges », festival azimuté dont les invités doivent pousser le vibrato en milieu métalo-industriel. Cela dit, il faut bien des doux dingues tels que Charlebois ou Marianne James pour aller tonner le « la » dans un stock de bétonnières, sortes de machines à laver où du mélange de l’eau et de la poudre sort du ciment. Mais comme Marie est fille primesautière, les bétonnières sont multicolores parce que destinées aux particuliers. En enquêtant un p’tit peu, et quoique qu’elle en dise, on découvre qu’elle dispose d’un formidable capital sympathie. Mais c’est vrai que l’on a peut-être finalement interrogé des gentils, des qui n’ont pas la cervelle trépanée de jalousie. Parce qu’il ne semble pas normal du tout qu’une petite blonde à très jolies jambes puisse chanter avec du people song et en plus organiser le concert. Certains s’en étouffent à ce qu’il paraît surtout certains « cultureux » adeptes de la fiche de paye avec reuteuteu, mutuelle intégrée et boulot à notoriété ajoutée. Dans la gamme des oiseaux de bon augure, Marie est un colibri, plus petit oiseau du monde, qui a posé son nid vers Ecully, un immeuble sur jardins, de curé à ouvrier, dont la rénovation a le bon goût de nous propulser quelque part en Italie napolitaine. Coquet, l’appartement joliment rénové est une probable antichambre de Pierre & Gilles, en effet les photographes illuminés disposent ici du parfait attirail pour tirer leurs portraits foldingues.
Ambiance kitch almodovarien où le design tutoie les carreaux ciment, où les bibliothèques ruissellent d’improbables gâteaux en plastique, photos, figurines. Hilarants les Bambi, Blanche Neige et autres nains dont certains ressemblent étrangement à deux élus lyonnais. Et puis, il y a des bougies chics, des fleurs choc, en pot, en sceau, en vase, en guirlande, en bustier celui qu’elle va arborer pour la promo de la 11e édition du Printemps de Pérouges. Probable réincarnation d’un jardinier, la petite raffole des coquelicots, ceux qui envahissaient voici encore quelques années les champs autour de ces usines dans l’Ain où la friponne glisse de la musique dedans. Son bureau, on dira un portable truffé de vidéos des concerts bétonnières posé à même le micro bar entre cuisine et séjour. À deux pas, une verrière embaumant le jasmin flanqué d’un énorme fauteuil rouge cerné de verdure. Marie respire, gazouille, papote, chante, aime (il y a une paire de chaussures masculine au pied du lit), se fait belle en rose et bosse à plein temps dans une cage colorée, décalée à souhait. Pour avoir posé dans un mag lyonnais dans le cadre d’une enquête sur le nu et participé au massif déshabillage urbain de l’artiste Spencer Tunic, on lui prête un penchant, aussi facile que rapide, pour l’exhibitionnisme. Et quand bien même, finalement, Marie Rigaud n’est jamais qu’une artiste, chanteuse lyrique de son état. Avec son grand ami Stéphane Cayrol, ils ont longtemps formé un couple d’inséparables. Un jour de balade, Marie tombe en amour pour l’église-forteresse de Pérouges et cherche donc à se procurer le calendrier de concerts histoire d’en faire la promo sur Classic FM où travaille le tandem. Hélas, l’église ne chante que la messe, Marie et Stéphane s’engouffrent dans la faille, montent une association, l’un rédige les projets, l’autre cherche des fonds et réunissent 65 000 F pour les quatre concerts de la première édition en 1996. Aujourd’hui maintenant mordicus cette volonté de programmation en lieux inattendus, le festival avoisine les 380K€ de budget. Stéphane envolé sur TLM, Marie opère seule comme « une guerrière » suspendue aux courbes de la billetterie, sans cesse négocier, gérer de l’humain… « Etre ambitieux sans moyens implique de se débrouiller, de justifier les partenariats ».
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