Par Nadine Fageol
Après avoir quitté l'OL, Philippe Vorburger n'envisage pas autrement la vie que sous sa forme active. À partir d'un cocktail magique composé d'utopie et d'un zest de mégalomanie, le Vobs a commis les 400 coups médiatiques pour se rendre compte qu'il aurait voulu être un artiste.
160 trimestres de vie active dont 48 à l'Olympique Lyonnais, le 30 juin dernier l'heure de la retraite a sonné pour le directeur d'OL Média. La quille. Toute une vie devant soi pour marivauder. La grasse matinée jusqu'à perpette'… Tintin ! Philippe Vorbuger, applique à la lettre le « qui ne se lève pas n'est pas Lyonnais », dérivé olympien de la très sarkosyste « France qui se lève tôt ». Dans son appartement du quai Sarrail, à l'atmosphère clair obscur façon toile de maître, il se raconte et, en bon communicant, ne supporte pas la question. On se renfrogne dans le canapé en se disant : « tant pis, on rédigera de la litanie tristoune ». On ne va tout de même pas broder de la dentelle de Calais avec du communicant formaté à la dirigiste école olympienne. Rédac' chef Marco juge alors utile de recadrer le loup dans un intermède « prises de vue ». Salvateur. Pendant que Philippe Vorburger prend la pose, on farfouille dans ses archives sur la table du salon. On retrouve le sourire, tellement ça sent bon les années 80, époque de forte émancipation médiatique. Tonton Mitterrand faisant dans la proximité avait lâché la bande FM. Et toute une bande de musicos de foncer tête baissée dans les délices de la programmation. Dans les basques d'un Jean-Claude Chuzeville, photographe archi déjanté, Philippe Vorburger avait opté pour Radio Bellevue, l'onde de choc à la tonalité ultra rock & roll (devenue depuis Couleurs 3). Il rencontre le tonitruant Daniel Perez pour qui il va dévaliser le magasin de farces et attrapes afin d'alimenter Scoop, tendance Baffy. Exemple, micro en main, le Vobs accompagne Pierre Duqueyrois à la porte des boîtes de nuit, demandant finaud, « Bonjour, c'est Radio Scoop. Dites, comment ça marche une boîte de nuit ? ». On ne sait toujours pas s'il a le nez refait. Un parcours initiatique qui, la nuit tombée, en fait un escort-boy trimbalant Bruel en Mercedes 180… ou un bodyguard de Céline Dion. On le harcèle de questions pour découvrir qu'il a grandement rempli sa carrière d'homme de pub, là où il voulait être tout à la fois show-man, Monsieur Loyal et homme orchestre. Conséquence, il s'est trompé de voie malgré les signes avant-coureurs. Chez Pitiot où il passe son DECS avec un certain Marino Faciolli (directeur administratif à l'OL, spécialiste dans la réquisition d'avions à destination de la Champion League), l'étudiant lyonnais grand teint propose de monter Le Burtor, une cave culturelle en guise de junior entreprise ! Darry Cowl ou le Général de Gaulle, il révèle ses qualités de pitre en ponctuant d'imitations les débats du tribun André Soulier.
Il aurait voulu être un artiste à coup sur, du coup il les adore, les chouchoute, les bichonne. Oui, vous avez bien lu. Dans la jungle média-pub-com, Philippe Vorburger a surtout l'énorme capacité d'en extraire la substantifique moelle pour générer tout plein de choses avec tout plein de gens connus à des fins de résultats. Ça s'appelle construire de la notoriété. C'est à lui que l'on doit l'inénarrable clip d'un Éric Deflandre, défenseur belge exilé à l'OL, déclamant « C'est dans Provifruit que je puise mon énergie » entre deux dribble au rayon fruits et légumes dudit supermarché. Bio attitude avant l'heure, fort heureusement Lyon n'a pas d'équipe cycliste. Le ballon, c'était manifestement son truc, déjà l'étudiant Vorburger pensait ouvrir un bar rue Vauban ! « Tu parles d'une ambition, va plutôt faire de la pub ! », lui rétorque Albert Artiaco, co-fondateur d'Ecco TT et plus tard de Scoop. L'office des sports de la ville de Lyon recrute, alors il se fait la main en commercialisant l'annuaire des sports. Un mois, le temps de croiser Fernand Galula. Puis il parcourt la France, toujours à vendre de l'espace cette fois-ci pour la revue Lutter des Sapeurs pompiers, avec Alain Aoudia, aujourd'hui DG de Lyon Poche. Pour 1 500 francs par mois. « Tu ne vas aller bien loin ! » prévient le paternel. Alors Vorburger entre à Télé 7 Jours puis à la Régie Doiteau et enfin chez HFR où il se familiarise avec ce qui va devenir son dada, « le marketing média » auprès de Jacques Kremer. Il peut se targuer d'avoir effectivement « rencontré des gens étonnants, à fort charisme », d'avoir dès lors travaillé dans un système qui était « ni de la pub, ni de la communication, ni du rédactionnel mais une manière d'appréhender les choses, de sortir des sentiers battus ». Ce qu'il va mettre en application lorsque Paris lui confie en 1984 la direction régionale d'HFR. À Lyon, le mensuel Marie-Claire truste la pub, Elle est un hebdomadaire, il invente « Elle 4 »: une annonce pour 4 parutions sur un mois. De quoi consolider le cahier sans oublier de choyer la clientèle avec défilés, fleurs et petits-fours d'où sortira une amitié inébranlable avec l'élitiste Christian Johan Begot de CJB. Et pour vendre Paris Match, il invente les numéros « spécial municipales », avec Jean Poperen, Francisque Collomb ou encore Michel Noir à la une, contribuant au passage à l'émergence nationale de ce dernier. Le soir, dîner à la marmite relationnelle et convocation du colossal carnet d'adresses à ses soirées publi-médiatiques. En 1987, la Nuit des As lui permet de se rapprocher d'un certain Jean-Michel Aulas qui, plus tard, va l'absorber tout entier pour en faire le directeur d'OL Média. Deux ans plus tard, « travaillé par le show-biz », le Vobs s'en va voir son futur « gourou », par ailleurs « monstre du billard à trois bandes », Jérôme Bellay qui monte TLM. En l'absence de financement probant, il imagine avec Philippe Teissier de lancer de jeunes talents dans le cadre d'une émission au Casino Lyon Vert. DVD vintage à l'appui, on découvre le « produit ». Plateau façon « Grand Carnaval », et invités ahuris devant une flûte de champagne pour cause de tournage à 8h du mat'. Parmi les jeunes talents, la mignonne Diane Tell et le sémillant Marc Lavoine. Mieux, Laurent Gerra pas encore expert de la vie intérieure de Céline et du RRRenÉ. Sa carrière entière est ponctuée de coups médiatiques. Le plus spectaculaire, probablement la soirée montée avec David Tran, Joël Luraine et André Blanc qui a transformé la Halle Tony Garnier en « Grand cinéma » avec 5 000 spectateurs ! Record d'entrées national battu. Il a également produit avec le TLM de la grande époque et fait diffuser en simultané sur TF1 la messe de minuit célébrée devant plusieurs milliers de fidèles à la Halle.
Voilà pour la vie publique du Vobs. Et ses amours ? « Ma vie privée ? La vie m'en a privée » assure-t-il, accompagnant sa phrase d'une petite pirouette de la main et d'un « Pauvre garçon ! » compatissant. En observant par-dessus ses lunettes la réaction de ses interlocuteurs. Une formule tout droit sortie du « Petit Vobsien » qui comprend des dizaines de formules toute faites, derrière lesquelles il aime se protéger. Ses amitiés féminines et masculines ? Inutile d'insister. « Je voussoie en alcôve ! » s'amuse-t-il ! Tout juste admet-il ses 20 ans de maçonnerie. « On ne s'en vante pas mais on est fier de son appartenance ! » Philippe profite de son entregent dans la vie lyonnaise pour œuvrer à l'administration d'Hôpital Assistance International. Dans le pêle-mêle de souvenirs multisectoriels, on découvre de l'attachement sincère, une encre à main levée de Gérard Couty, l'habilleur graphique surdoué du lancement de TLM. Qu'il est aussi la copie conforme du buste de son grand-père, lequel a toujours dit, « on se croise toujours deux fois dans l'escalier ». Alors Philippe Vorburger continue son échappé-belle avec le « Divertainment » auprès d'un élève repéré à l'Efap, Thierry Lahon, l'un des duettistes forcenés de l'à KGB. Il faut savoir que les sleeping partners du sieur Vobs s'appellent « force de l'utopie, énergie du doute et zest de mégalomanie ». Tout compte fait une carapace de coton, « à l'opposé de ce que l'on croit ». Il ne lui a manqué qu'un agent.
AH le Vobs, un homme généreux et contrairement à tant d’autres qui sait rester discret et cultiver la différence pour susciter la préférence…