Prince Albert Dray

29 mai, 2009 | LES GENS | 0 commentaires

 

01 Photos © Jean-Luc Mège et DR

 

Par Nadine Fageol

 

Et une terrasse top contemporaine qui fait grimper en flèche le déjà fort potentiel du Café du Pond où Albert œuvre en faveur du rassemblement du genre humain. L'homme est « fédéracteur », sa terrasse l'une des place to be non seulement de l'été mais de l'année. Fête ce qu'il dit !

 

Albert Dray c'est tout d'abord une silhouette, haute, pas encore épaisse bien que l'homme ait du coffre. Et, la vraie gueule du type qui en a vu des choses dans le temps qui passe. Le regard d'Albert a quelque chose d'inquisiteur. Passez sur sa terrasse et vous verrez son œil zoomer comme un téléobjectif. Repéré, vous êtes ! De gentil à pisse-froid, l'homme est entier. Et c'est justement parce qu'il est perturbant que ça fait du bien. En voilà un qui ne fait pas dans la tiédasserie bien proprette. Pas la peine de penser lui tailler une bavette pendant le service. La main dans la main, l'autre sur l'épaule, il vous ordonne, « installe-toi là-bas ». Là-bas. Devant une verveine, il se dit issu « de la plus belle ville d'Algérie, Oran, d'une famille Pieds Noirs à 200 % ». Le père plombier zingueur arrivé par hasard à Lyon bénéficie du soutien des Anciens d'Algérie qui lui trouvent du job chez Berliet.

 

Absences irréparables, il a quatre ans quand sa mère disparaît, ses deux frères emprunteront une route aussi courte, aussi il aime cette vie qu'il peuple d'amis infaillibles tel Ibram, « un conteur érudit comme l'était mon père. Pour lui, rien n'est laid ». (Un habitué vient l'embrasser, André Safar, gynécologue adoré des futures mamans à ce que l'on peut lire sur Google). « J'ai des clients, des relations. Mes amis, je les compte ». Une enfance de gosse des rues dans le troisième arrondissement où le soleil revenu, « on descendait les chaises, c'était une belle vie sans téléphone, sans Internet ». Avec Serge Bahadourian, ils gagnaient trois sous en grillant les cacahouètes ou remplissant les bouteilles de la petite épicerie pas encore estampillée place de la world food. L'autre plan consistait à ramasser les vieux papiers devant le Prisu pour les revendre aux « patis » recycleurs. « Avec les Bahadourian, on a beaucoup de respect les uns pour les autres. Armand à lui seul est un monument, une mémoire ».

 

Dans les années 60, la famille gagne une salle de bains en déménageant pour le quartier des États-Unis. Très vite, ce bon élève à qui rien ne plait entre dans la vie active. « J'ai appris le plus beau métier du monde, l'imprimerie ». Pendant dix ans, Albert typographe se cultive, édite livres d'art et autres reprographies auprès « d'un merveilleux monsieur» maître imprimeur, Maurice Lecuyer. À l'ouvrage 60 heures par semaine, il s'en souvient comme d'une très belle aventure et d'avoir imprimé « la pub de la Simca 1000 » ! Il a 25 ans en 1970, quand, un soir au BC Blues, un ami lui demande un coup de mains pour ouvrir la Champagneraie, rue Royale. Sisteron, Dargent… « je l'ai remplie du jour au lendemain de grands messieurs ». Il devient gérant et assiste à la réconciliation entre Johnny Hallyday et Dufour – le psychologue lyonnais – qui en étaient venus aux mains rue des Archers pour cause de Sylvie Vartan !

 

Sortie de l'encre noire pour plonger dans la lumière de la nuit, étonnant parcours qualifié de « récréation » et puis à deux pas il y avait une sacrée dame, « Jacotte, chez qui nous avions cantine ouverte ». La récréation s'achève avec le décès de son second frère. La rencontre de Maddy, sa future femme enclenche « une histoire de tous les jours avec plein de gens de mon âge et deux beaux enfants ». Nouveau virage. Chez Antoine Fuster, fromager Albert, le bon père de famille, fabrique Saint Marcellin et Félicien. 1983, l'entreprise vendue, Albert directeur de fabrication est congédié. Pierre Doreonjon vient le chercher pour prendre la direction du Jardin en lieu et place de la Champagneraie devenue bar  resto club ouvert à toute heure. Un jour de courses sur le marché, Albert découvre ce qui allait devenir La Passerelle le 22 janvier 1985.

 

Établissement mythique des années 85 – 90 aux bons soins de Madame Mena. Albert lance le bar où défilent dès 5h du mat' la faune du marché, fournisseurs, clients, politiques, ceux de la night jusqu'à Bernard Lavilliers qui, après une fête de la musique trop farinée, braque à qui mieux mieux, cuisiniers et gens du marché. Même qu'après, le monde a accouru en demandant la même chose comme dans « Harry rencontre Sally ». Le buz avant le buz. C'est comme ça que les filles montaient dans les Ferrari simplement après un ballon de Macon frites… Cent quarante douze mille escalopes à la crème et 17 ans de stress plus tard, Albert juge utile de prendre du repos. Au hasard d'une promenade, il repère un bistroquet place maréchal Lyautey. Claudie, sa nouvelle compagne lui force la main et il en fait « une affaire qui a dépassé nos espérances ». Entre temps, les travaux du parking provoquent bien des sueurs froides.

 

Mais les inconditionnels, l'amicale, les vrais fidèles, ceux qui viennent chercher l'Albert persistent parce qu'il a su maintenir l'idée simple du café où les gens causent, « où on trouvera toujours quelqu'un à qui parler ». Par exemple, dans mon cas, c'est Antonin, le plus sexy des écaillers des Halles avec femmes et filloune évidemment jolies mais jolies, qui me dit, « mais quand est-ce que vous venez faire la foire avec Marco ? ». Et puis derrière le bar, il y a Fabrice, homme qui a tout fait, donc homme capable de tout faire même de développer une technique pour cuire la pizza en l'absence de four napolitain. Au bout de huit ans, c'est toujours le bras droit de sa majesté Albert, bon Prince du Sixième, qui a établi pour règle de protocole à sa cour hétéroclite « d'être respectueux les uns envers les autres ». Alors il servira les fromages de sa copine Colette avant de s'en aller faire le clown chez l'ami Marguin afin d'entretenir la légende du spa rempli de champagne…  

 

Remerciements : Boutique Symbialys (trône du Rajasthan et manteau), Boutique Sogoly (tapis persans) et Bal masqué (Couronne, costumes de soubrettes et de majordomes).

 

 

01  Au service de SAS Albert Dray: Edith Rosay, Catherine Lefèvre et Adriana. Ses majordomes : Fabrice Ricci et Philippe Billiet
 
02
 Albert Dray, maître de la Passerelle en 1985…
 
03  …avant de monter sur le trône du Café du Pont en septembre 2001.
 

 

04 Inauguration en grandes pompes républicaines le 7 novembre 2001.
 
05  Sous le bureau d'Albert. C'est ici que ça se passe !
 
06  La cuisine du café du Pont : Chrystelle, Jean-Marie, Stéphane, Salim, Philippe et Virginie
 
07  Entouré de ses héritiers Stéphane et Yannick
 
 

 

 

 

 

 

 

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