Par Jacques Bruyas
La ville de Lyon n’a pas de mémoire et encore moins le culte de ses grands hommes. Ainsi Jean-Michel Dubernard, professeur des Universités- praticien hospitalier à l’Université Claude Bernard Lyon I fut-il rapidement oublié, ces derniers temps, par les Lyonnais comme par ses pairs alors qu’on aurait dû lui ériger une statue.
Cet homme était nobelisable, car urologue de formation, il devint très vite un pionnier de la transplantation et se distingua internationalement en 1998 en manageant une équipe de spécialistes pointus pour une allogreffe d’une main entière puis en 2001de deux mains et en 2005 en apportant son soutien et sa prestigieuse caution au professeur Bernard Devauchelle pour une greffe partielle du visage…
Alors pourquoi ne l’a-t-on pas davantage glorifié ? Peut-être parce que cet humaniste brut de coffre et aimant les échanges vifs, francs et virils (et son physique de rugbyman l’aidait) osa s’aventurer sur le terrain de la politique et de la chose publique en étant plus de 21 ans durant député de la 3ème circonscription du Rhône (remplacé par un confrère toubib et opposant politique Jean-Louis Touraine) et en exerçant des fonctions municipales de 1983 à 2008.
A Lyon, on laisse la politique aux politiques et on n’aime pas trop l’intrusion des représentants de la société civile (terme plaisant, comme si la politique était un ordre religieux ou une discipline institutionnelle).
Jean-Michel Dubernard était un républicain passionné et n’hésitait pas à défendre tous les enfants de cette République comme lors de ses investissements multiples pour la Culture lorsqu’il présidait la Commission des Affaires Culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale de 2002 à 2007.
A Kaboul, à Bagdad, à Damas, au Caire mais encore dans le Maghreb, les pays de l’Est où l’Afrique, on doit pleurer ce pédagogue hors-normes, ce formateur aussi passionné que patient et ce chirurgien qui intervenait inlassablement et de façon totalement désintéressée pour pratiquer des interventions auprès de patients démunis qui n’auraient jamais pu espérer de tels soins d’un des plus renommés pontes mondiaux.
Aux USA, la seule prononciation de son nom est une éclaircie dans un système de santé qui a beaucoup à nous envier et nombreux sont les professeurs américains qui s’enorgueillissent de l’avoir connu.
Une anecdote pour terminer, nous nous retrouvâmes un jour au Salon du livre de Beyrouth et alors que les plus grands auteurs du monde francophone se pressaient en multiples stands (dont cinq académiciens français), sans grand succès, une foule se massait pour obtenir une simple dédicace de Jean-Michel Dubernard… A Lyon peut-être l’aurait-on poliment salué à distance…
Lyon peut désormais pleurer un de ses meilleurs enfants et j’espère s’en souvenir longtemps.
POUR ALLER PLUS LOIN
> L’interview la plus décalée de Jean-Michel Dubernard, lors de son interrogatoire à KGB mené par Marco Polisson, c’est ici
> Quand le professeur Dubernard introduit les pénis chinois sous les dorures de la Préfecture, c’est ici
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