Festival Lumière 2010. La dernière séance ?

12 octobre, 2010 | INDISCRETIONS | 6 commentaires

festival.jpg Par Justin Calixte

Vous avez sans doute vu comme moi les panneaux publicitaires informant les Lyonnais du Festival Lumière. Avec, s’il vous plaît, Alain Delon soi-même et Claudia Cardinale en têtes d’affiche.

 

festival02.jpg Bon, tout ça ne nous rajeunit pas… C’est un peu comme si on demandait à Kopa et Fontaine de jouer pour la Coupe du Monde. Mais, me rétorque-t-on, c’est le concept de ce festival qui rend hommage aux vieilles gloires et récompense l’une d’entre elles. L’année dernière, c’était Clint Eastwood. L’année prochaine, si ce festival existe encore, on fera venir Danièle Darrieux ou Michèle Morgan ou plutôt Kirk Douglas s’ils sont encore de ce monde. Voilà qui explique pourquoi ce Festival Lumière ne fait pas beaucoup parler de lui en deçà du Boulevard de ceinture et plus du tout au delà. C’est un peu les Nuits de Fourvière du cinoche. Si tout le monde connaît les festivals de Cannes, bien sûr, Deauville, Cognac, Avoriaz, Chamrousse, pas grand monde à Lyon et quasiment personne en dehors ne connaissent le nôtre. C’était pourtant parti d’une bonne idée soufflée à Gérard Collomb par un de ses conseillers de l’époque. Il s’agissait d’organiser à Lyon un « Festival du 1er film ». On y aurait montré les meilleurs premiers films, premiers rôles, premiers scénarios français et étrangers de l’année. On aurait ajouté quelques rétrospectives de premiers films du patrimoine. Pas bête. En tout cas légitime. Car Lyon est la seule ville à être reconnue comme la capitale du premier film. Une évidence. « Génial ! », s’était exclamé Gégé en s’empressant d’inscrire ce projet dans son programme de 2001.

 

Le malheur a été de confier le bébé à l’estimable téléramien Thierry Frémeaux qui s’empressa d’imaginer un autre concept. Une espèce de Prix Nobel (mdr) du cinéma. Mieux en quelque sorte que les César ou les Oscar. Rien que ça. Qui a pu croire qu’un truc pareil pouvait marcher ? Manifestement la mayonnaise ne prend pas. Même les émissions de télé consacrées au cinéma n’en disent rien. Même Télérama, pourtant partenaire, s’en fout. N’est pas Guy Darmet qui veut. Pour l’ouverture, cette année, nos midinettes locales s’étaient précipitées croyant voir Delon et la Cardinale. Ils ont, semble t-il, oublié de venir. Alzheimer, sans doute. Alors pour faire bonne figure, Thierry Frémeaux a fait venir, à défaut de vedettes américaines, quelques vedettes lyonnaises comme Bertrand Tavernier, Dominique Blanc (on a échappé à Mimie Maty) Laurent Gerra… ainsi qu’une brochette de gloires approximatives, Vincent Perez, Françoise Fabian, Léa Drucker, Elsa Zilberstein Marina Foïs, Kad sans Olivier, Helmut Berger qui a dû abuser des saucisses de Francfort… Il ne manquait que Brialy qui s’était fait excuser. Tout cela était ringard à souhait. On a projeté un « Singin’in the rain » remasterisé, comme au festival Ritrovato de Bologne, au printemps dernier. On aime bien faire du neuf avec du vieux chez Frémaux. Celui-ci, transformé en Monsieur Loyal de province, a connu un certain succès en donnant du Jean-Jack à Collomb comme à Queyranne. Ces deux-là dont on connaît l’estime qu’ils ont l’un pour l’autre ont dû rire jaune.

 

La semaine du Festival s’est déroulée dans l’indifférence générale excepté pour les cinéphiles boboïsés qui ont fait la queue avec leur invitation, gagnée ils ne savaient plus où. A part pour les bénévoles, corvéables à merci, snobés par un Thierry Frémaux, jadis plus convivial. Certains, houspillés par le gourou du festival, aujourd’hui devenu une diva colérique toujours à la recherche de sa bicyclette, ont décidé de déclarer forfait l’année prochaine.

 

Samedi 9 octobre, soirée de gala

 

On a fait revenir dare-dare par TGV quelques figurants du cinéma français auxquels on a rajouté pour faire bon poids, quelques journalistes amis comme Serge July que je croyais mort et enterré. Tous étaient là pour donner un semblant de solennité à la cérémonie de remise du prix Lumière à Milos Forman. Le nouveau Nobel du cinéma eut le bon goût, reconnaissons-le, de faire un discours remarquable. Dans le même temps ou presque on apprenait la disparition de Charpak et Allais, deux prix Nobel authentiques. On en profita pour revoir son « Amadeus » ricaneur.

 

Dimanche 10 octobre

 

Ce fut la journée Claudia Cardinale qui nous a fait tant fantasmés, finalement, était bien là. Delon, lui n’est pas venu. On s’en doutait depuis le début ; à Lyon, on a l’habitude, Gilles Moretton nous a souvent fait le coup de la star défaillante au dernier moment. On s’endormit devant. « Le Guépard » qui a presque autant vieilli qu’Helmut Berger. A voir le visage busterkeatonien de Gérard-Jean-Jack-Collomb, de corvée les deux soirées, on peut imaginer qu’il partage mon avis : le cinéma, ça vieillit mal même lorsque les films sont restaurés. La chirurgie esthétique n’y change rien. Pas plus pour les vieux films que pour les vieilles actrices.

 

Combien coûte cette plaisanterie grotesque ? Va-t-on faire un audit de satisfaction auprès des Lyonnais ? N’y a t-il pas mieux à faire pour l’image de Lyon, capitale du cinéma ? Je parie que dans les trois ans, ce festival aura disparu dans l’indifférence générale. Dommage, on aura raté l’occasion de créer à Lyon un événement digne de ce nom.

 

L’organisation a fait savoir urbi et orbi que le Festival avait été un formidable succès et comptabilisé 50 000 entrées (mdr). Il faudra faire le tri entre invitations et billets vraiment vendus et vérifier l’exactitude de ce chiffrage optimiste. On s’en souvient, Daclin nous avait annoncé 4 millions de personnes (mdr) dans les rues de Lyon pour la fête du 8 décembre.

 

Il est vrai que la gauche n’a jamais su compter ! Ce ne sont pas Etienne Tête, Yvon Deschamps et Jean-Yves Sécheresse qui me démentiront. Ni les syndicats habitués à gonfler le nombre des manifestants. Ni Jacques Simonet qui ne vérifie jamais ses chiffres, pas plus que ses informations.

 

 

 

6 Commentaires

  1. Fantaisie

    On voit que Justin Calixte a passé la soixantaine, vieux lyonnais amer et contre tout. Ce festival est à la fois convivial (5000 personnes explosées de rire, fatigués d’aplaudir, à la Halle, pour saluer la présence de Stanley Donen), intelligent, riche et extrêmement varié. Vous aimeriez le cinéma, vous sauriez qu’il existe déjà un festival du premier film, Monsieur Je sais tout (peut-être n’avez vous pas eu d’invitation pour être si amer ?) Pas de salutations d’une cinéphile ravie que Lumière laisse de côté les imbéciles

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  2. AMER 2

    je ne trouve rien d’amer ni d’imbécile dans le texte de JC. Mais bcp de lucidité; la question est: En ces temps difficiles, l’argent des impots locaux, doit il servir à réjouir 5000 cinéphiles tellement heureu de voir un film vu,vu et revu ou plutôt créer un évènement qui concerne le maximum de Lyonnais et fasse parler de Lyon à l’extérieur. Le printemps de Bourges,le festival de Deauville,OUI; Les nuits de Fourvière, le festival Lumière NON

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  3. marianne

    Kicé ce jacques simonet?

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  4. farfadet

    Tout à fait d’accord avec vousJustin ,la formule n’est pas bonne.L’idée de récompenser le premier film de nouveaux réalisateurs me parait géniale; et l’on aurait parler 10 fois plus de LYON dans les médias.

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  5. ploquin

    Quels sont les fondements de vos propos et avez-vous assisté à une des multiples et riches projections? Pourquoi cet acharnement sur M Frémeaux? Pensez-vs que le cinéma se résume aux sorties people de navets? et que l’art cinématographique d’auteur classique ne mérite pas d’être revus?

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  6. Pepper

    Il y a eu des billets vendus – à des cinéphiles qui pourraient prétendrent au Nobel de la Paix, tant il fallait être patient: chaos au niveau des points de ventes ouverts/fermés, chaos au niveau des logiciels en mode bug etc. Et de fait, les bénévoles ont été exploités aux vu et su des festivaliers. Alors que beaucoup de chose, en particulier au niveau de l’organisation, soient remis en cause, OK. Mais la programmation en elle-même reste intéressante, pour les cinéphiles, en tous cas.

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