Par Jean-Marc Requien
Télérama, dans son dernier numéro, consacre 2/3 de page à Truphémus. Enfin ! Nos beaux esprits n'auront donc pas attendu que notre Truphémus soit mort (il court sur ses 90 ans) pour le découvrir. Extraits.
« On parle peu de Jacques Truphémus. Les grands musées ignorent ce peintre français, aujourd'hui de 86 ans, que Balthus considérait comme l'un des plus grands. Lui, il est vrai, vit un peu secrètement entre Lyon et les Cévennes, mais l'homme aime par-dessus tout sa tranquillité. Il est des artistes secrets. Ainsi Paul Cézanne qui, le 30 avril 1896, dans une lettre adressée à son ami Joachim Gasquet, dit toute la méfiance que lui inspirent le vedettariat et les mondanités. « Je croyais que l'on pouvait faire de la bonne peinture sans attirer l'attention sur sa propre vie privée, écrit-il. Bien sûr, un artiste désire s'élever intellectuellement le plus possible, mais l'homme doit rester dans l'ombre. Cette dernière assertion pourrait convenir à Truphémus. Cézanne l'érige en dogme, mais elle ne dit rien d'autre que le désir d'un être de ne pas vivre sous les projecteurs. Beaucoup d'artistes préfèrent la lumière. La discrétion – celle d'un Giorgio Morandi, d'un Eugène Leroy – n'est pas la règle. Mais si l'ombre dans laquelle vit un artiste n'est pas un gage de qualité de son œuvre, elle est en revanche souvent un frein à sa carrière… Truphémus est un artiste classique, œuvrant sur des sujets classiques (paysage, nature morte, portrait) qui ne s'est laissé entraver par aucun dogme, aucune école, aucune mode, un homme libre, en somme…
Etre un grand peintre français, demeurer fidèle à son histoire, à une certaine tradition n'empêche pas de croiser une artiste américaine, Joan Mitchell ; ou de rencontrer, le temps d'une nouvelle nature morte, Fleurs, lierre et grenages (2007), un autre peintre américain, Cy Twombly. Ces artistes possèdent en commun quelque chose d'extrêmement subtil, une savante simplicité qui place le spectateur face à une évidence… Oui, peu importent l'ombre et la lumière portées sur l'homme, seule compte ici l'exigence de l'artiste, ce curieux mélange de prétention et d'humilité qui le porte à vouloir représenter la nature. »
On peut imaginer que Télérama ayant ouvert la voie, le Monde puis les autres moutons de panurge du landernau médiatico-culturel consacrent – enfin – des articles louangeurs à l'un des plus grands peintres de la deuxième partie du 20ème siècle. Et peut-être que grâce à lui nos beaux esprits parisiens découvriront Philibert Charrin, Vieilly, ou Combet Descombes. Et peut être que quelques-uns de nos riches notables lyonnais regretteront de s'être débarrassés bêtement, il y a quelques années, de chefs d'œuvres de Truphémus ou de Fusaro en se laissant refourguer quelques rossignols de l'art contemporain, histoire d'épater la galerie. Et peut-être que notre conservatrice du Musée des Beaux-Arts condescendra-t-elle à s'intéresser – enfin – à ce que l'on appelle maladroitement l'Ecole lyonnaise.
0 commentaires