Balada triste

18 juillet, 2011 | CINEMA | 0 commentaires

balada_triste.jpg Par Aymeric Engelhard

 

Mis à l’honneur lors de la première édition des Hallucinations Collectives à Lyon en recevant le Grand Prix, « Balada Triste » relate l’affrontement entre deux clowns pour l’amour d’une femme. Excessive, corrosive, tétanisante, cette œuvre impressionne dans son traitement de l’humain. Un film fou, étonnamment unique et directement culte.

 

Les meilleurs clowns au cinéma ne sont pas les plus drôles. En témoignent le Captain Spaulding (« The Devil’s Rejects »), Pennywise (« Ça »), la marionnette de Jigsaw (« Saw ») ou encore le Joker (« The Dark Knight »). En effet, le clown représentant les deux opposés dans l’imagerie collective (le rire ou la terreur), celui qui marquera le plus un esprit risque d’être plus effrayant qu’hilarant. Etant associé à l’enfance, il est ainsi très fréquent de retrouver l’image du clown dans un film d’horreur afin de faire ressortir les peurs primaires. Álex de la Iglesia l’a bien compris. Et qui plus est, au-delà du fait qu’il fasse peur ou rire, le réalisateur espagnol a aussi compris qu’il y avait un humain derrière le maquillage. Un humain qui peut se retrouver à faire la guerre ou à aimer éperdument une femme. Une phrase assez singulière du film résume l’état d’esprit des personnages de « Balada Triste » : « Pourquoi je suis clown ? Parce que sinon je serais un meurtrier ». Et plus le film avance, plus les deux termes s’assemblent. L’histoire commence avec la guerre d’Espagne. Un clown débauché du cirque se retrouve à tuer des soldats armé d’une machette et de son maquillage. Il sera exécuté. Admiratif, son fils suivra ses traces en intégrant lui aussi un cirque dans les années 70. Bercé dans la mort, il ne peut qu’être le clown triste. Sa vulnérabilité cache une folie que l’amour aura vite fait de révéler. En effet, son partenaire (le clown rigolo) est un ivrogne violent qui frappe abondamment sa compagne, une magnifique acrobate. Amatrice de jeux dangereux, elle entraîne notre clown triste dans une spirale de tentation qui ne fait qu’accentuer la colère du clown rigolo. Jusqu’à l’excès. L’un après l’autre, les deux hommes sombrent dans l’ultra-violence. La folie finit par prendre le dessus sur celui que l’on appelait le clown triste.

 

Álex de la Iglesia ancre son œuvre dans un contexte bien particulier. Chaque action se voit associée à l’histoire de son pays depuis les débordements de Franco. Même l’affrontement final très « Hitchcockien » se déroule sur le monument anciennement destiné au tristement célèbre dictateur. Du coup, pour comprendre toutes les subtilités du scénario, mieux vaut se renseigner sur l’histoire de l’Espagne. Les cicatrices des personnages sont les représentations physiques de leur folie, reflet de celle qui a enflammée le pays. Et ces balafres sont impressionnantes. Les deux clowns se retrouvent mutilés au point de faire pâlir plus qu’il ne l’est déjà le Joker du dernier Batman. Le clown triste connaît une descente aux enfers absolument renversante, victime des tribulations d’une femme dont les travers psychologiques resteront flous pour toujours. De la Iglesia n’hésite jamais à faire exploser la violence, qu’elle soit morale ou physique. Il sait verser dans l’excès avec art et manière, rendant ses personnages plus complexes qu’ils ne le sont déjà. Le cinéaste espagnol offre une mise en scène classique au premier abord pour un certain nombre de scènes mais celles-ci de voient furieusement entrecoupées par des débordements infernaux qui auront raison de l’œuvre dans son intégralité. L’humain prend sa dose de coups dans les rotules (toute la séquence où notre clown triste joue les chiens pour un ex-officier franquiste). L’amour le rend dingue, il croit trouver sa voie dans le meurtre. Mais quand l’affrontement tourne mal, c’est toute la tristesse de l’œuvre qui fait surface comme jamais encore. D’où les deux derniers plans littéralement tétanisants où se mêlent regards, rires, pleurs et cris.

 

« Balade Triste » doit son titre à ces plans finaux qui ne font que ressortir toute la douleur du film dans son intégralité. De la Iglesia semble avoir trouvé la voie qui le fait passer de réalisateur culte à cinéaste majeur. Magnifique.

 

 

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