Par Aymeric Engelhard
« Que retentisse la liberté ! » clame la bande-annonce. Un tagline furieusement évocateur pour un metteur en scène que rien ne semble heurter, pas même le temps ou la pression des studios. « Django Unchained » est un western borderline timbré aux accents épiques assourdissants devant lequel on ne peut que hurler notre plaisir.
Quentin Tarantino et le western c’est une très large histoire d’amour. Un genre aux émanations dont il n’a jamais pu se dépêtrer au même titre que le film de sabre japonais. « Kill Bill volume 2 » et « Inglourious Basterds » puisent clairement dans les œuvres de Sergio Leone et Sergio Corbucci, sans parler de l’utilisation quasiment systématique d’un thème composé par Morricone ou Bacalov. Tarantino est un fan, total, complétement voué à la cause du cinéma qu’il admire.
C’est donc tout naturellement qu’il plonge enfin dans le genre avec « Django Unchained ». En reprenant le nom « Django » initié par Corbucci et repris ensuite dans une série de westerns bis, le metteur en scène classe directement son film dans une sous-catégorie. Un univers empli de violence, d’humour et dont les nombreuses incohérences historiques ne sont là que pour rendre le long-métrage plus fun. « Inglourious Basterds » jouait déjà à ce jeu-là en dézinguant les codes du film de guerre.
Toutefois, le réalisateur s’appuie quand même sur une période difficile de l’histoire des Etats-Unis, celle de l’esclavage. L’occasion pour lui d’offrir une dimension humaine appréciable au sein d’un scénario complétement fou. Car « Django Unchained » est bien un film de Tarantino, jusqu’au bout des os. Il met en avant un esclave noir très précis flingue au poing faisant équipe avec un chasseur de prime allemand au phrasé poli. Ce duo improbable part au secours de la femme du premier, retenue chez un négrier très influent. Et c’est parti pour 2h44 de longs dialogues tendus, d’explosions sanglantes et de situations impossibles.
Mais curieusement, c’est dans le western que Tarantino semble le moins à son aise. Auparavant, il utilisait les gimmicks du genre pour alimenter des œuvres plus modernes qui n’avaient rien à voir. Ici, il se retrouve moins inspiré, obligé d’aller chercher des éléments futuristes, comme du rap US, pour donner son identité tarantinesque à « Django… ». Du coup, certaines scènes prouvent quelque peu les limites de son cinéma, une première. Mais cela permet aussi de découvrir un Tarantino capable de classicisme et au passage de gravité.
Alors qu’avant, on aurait rigolé devant un noir déchiqueté par un chien, ici, on est sous le choc. Le contraste aurait pu constituer une véritable faiblesse et l’on aurait pu croire le style du metteur en scène en perte. Sauf que « Django… » fusille ses bases de la plus jouissive des manières, dans un bain de sang et d’humour rarement vu. A ce titre, ce huitième film est certainement le plus drôle, d’autant que le casting, d’une extraordinaire perfection s’en donne à cœur joie (mentions à l’inénarrable Christoph Waltz et bien sûr à Leonardo DiCaprio parfait pour son premier rôle de méchant).
« Django Unchained » marque donc une étape bienvenue dans la filmographie du passionnant Quentin. Toujours le même bougre à l’esprit chargé d’inspirations cinématographiques de tous horizons. On ne va quand même pas bouder notre plaisir.
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