Par Aymeric Engelhard La vie du célèbre créateur du FBI par celui qui n’en finit plus de sublimer les pages de l’histoire des Etats-Unis, voilà de quoi attiser une impatience démesurée. Jouant allègrement entre les époques et les contextes politiques, le film prend aussi le parti de montrer les zones ombragées et polémiques (à l’époque) d’un homme plus profond qu’il n’y paraissait. Si beaucoup de metteurs en scène ont élaboré des œuvres racontant les grandes périodes historiques des Etats-Unis, aucun ne l’a fait avec autant de brio que Clint Eastwood. Ainsi le cinéaste a longuement exploré la période far-west et ses conséquences, se faisant au passage fossoyeur du western avec « Impitoyable ». On retiendra aussi son phénoménal dyptique consacré à la guerre d’Iwo Jima. Même « Gran Torino », de façon plus contemporaine, montre les séquelles de la guerre de Corée. Eastwood est un grand patriote, c’est évident. Mais cela ne l’empêche en rien de s’attarder sur les épisodes noirs d’un pays qui les collectionne. « J. Edgar » lui était destiné. En racontant dans ses grandes lignes la vie du grand patron du FBI, le réalisateur peut travailler quatre décennies américaines importantes. En effet J. Edgar Hoover a vu passer huit présidents et de nombreux conflits internes. Mais au-delà de l’homme infernal, menteur, égoïste et raciste, Eastwood montre quelqu’un doté d’une sensibilité. Un personnage surdoué dévoré par une mère seule à l’origine de ses convictions. Elle rejette violemment l’homosexualité pendant que son fils s’en rapproche. D’ailleurs, toutes les plus belles scènes sont précisément celles qui voient Edgar rencontrer son homosexualité, la combattre, la laisser gagner, puis la mettre en retrait sans jamais l’oublier. La relation avec Clyde Tolson, second du FBI amoureux d’Edgar, est à ceci très forte et s’étendra jusqu’à la fin de leur vie. Eastwood parvient à nous faire apprécier ces hommes de pouvoir. Non pas pour cacher les vérités mais bien afin de faire apparaître les faiblesses. Ce n’est pas pour rien si le cinéaste choisit de dévoiler les supercheries de Hoover en fin de métrage. Il ancre le personnage dans trois époques bien différentes. La première où le gangster est adulé, la seconde où c’est au tour du justicier d’être porté en triomphe (ces deux-là excellemment mises en lumière par les séances de cinéma de « L’Ennemi Public » et « Les Hors-la-loi » dans lesquels James Cagney interprète un gangster puis un agent fédéral) ainsi qu’une troisième relatant la fin de vie de Hoover et l’écriture des mémoires du FBI. Cette dernière voit l’étonnante transformation physique de Leonardo DiCaprio. Magnifiquement vieilli à l’aide de prothèses et à grands coups de maquillage, l’acteur s’offre une interprétation de très haut niveau, éclipsant sans hésitation toutes ses précédentes. Du début à la fin, celui qui devint star grâce au toujours surestimé « Titanic » affiche les plus impressionnantes émotions et parvient pour la première fois de sa carrière à nous toucher au plus profond malgré le caractère sans vergogne de son personnage. Une véritable performance. Eastwood le dirige avec brio, comme tout le reste du casting. Toutefois « J. Edgar » décevra légèrement par le manque de scènes fortes (bien que certaines suffisent à laisser pantois). Il n’empêche que, comme d’habitude pendant la projection de l’un de ses films, on se surprend à diviniser ce génie dont l’alliance fond/forme n’a décidément aucun égal. Toujours plus légendaire…
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