Par Aymeric Engelhard
Multi nominé aux Oscars, ultra plébiscité par la presse anglo-saxonne, « Le Discours d’un Roi » arrive pourtant en France sans bruit. C’est sous les applaudissements qu’il risque de finir sa carrière en salle. Avec une classe d’enfer, l’œuvre se pose en pilier de ce début d’année. Le film d’un roi.
Franchement, les films qui se retrouvent autant de fois nominés aux Oscars peuvent s’avérer de réelles déceptions. Mais cette année, nombreux sont ceux qui puent le coup de maître. Entre « True Grit » des frères Coen, « Black Swan » de Darren Arronofsky, « The Fighter » de David O. Russel… La sélection donne des frissons (beaucoup ne sont pas encore sortis en France). Premier à se poser en grand concurrent, « Le Discours d’un Roi » pourrait clairement prétendre rafler la mise. En s’attardant sur la difficulté de communiquer du roi Georges VI, le réalisateur Tom Hooper pose un regard nouveau sur l’entrée en guerre des anglais. En effet, comment se sentir en sécurité lorsque son monarque bègue est incapable de terminer le moindre discours ? Avec l’aide d’un thérapeute du langage et de sa femme, il devra surmonter son handicap afin de gagner la confiance d’un peuple qui ne voit en lui que le simple remplaçant d’Edouard VIII, son frère qui a abdiqué. Hooper (réalisateur quasi inconnu) entre dans la cour des grands. Son film, en plus de bénéficier d’un scénario tout en montée prodigieux, s’affirme par une beauté plastique à couper le souffle. Il rivalise sans peine avec le « Au-Delà » de Clint Eastwood, autre coup de génie de ce début d’année. Chaque mouvement ou placement de caméra vaut son pesant d’or. Disons juste que Hooper et son chef opérateur ont réalisé un travail phénoménal au niveau esthétique, sentant l’art du cinéma (et de la peinture) dans chaque image. Ils empêchent le film de se poser comme un simple biopic de plus, ils lui offrent sa personnalité, son originalité. Et Alexandre Desplat achève le cadeau d’un score musical sublime qui pourrait bien lui valoir à lui aussi un premier Oscar.
Alors si techniquement « Le Discours d’un Roi » a de quoi impressionner, c’est bien Colin Firth dans le rôle du monarque qui remporte la palme. L’acteur s’approprie le personnage avec une aisance démentielle. On rit en même temps que lui, on pleure aussi. Chacune de ses paroles se boit avec passion. C’est le roi rêvé. Et lorsque l’homme prononce enfin le discours qui lance les Anglais dans la seconde guerre mondiale, l’envolée est totale. Le second mouvement de la 7ème Symphonie de Beethoven accompagne ses mots, les sublime, les rend plus grands qu’ils ne le sont déjà. C’est le point culminant d’une performance d’acteur gigantesque et d’un film qui touche les sommets. Et évidemment le reste du casting éblouit aussi. Geoffrey Rush dans la peau du thérapeute c’est juste la perfection et Helena Bonham Carter, loin des excentricités de son mari Tim Burton, en femme aimante c’est la classe totale. Au final tous les ingrédients sont réunis pour offrir à cette part du gâteau historique anglais tout ce qu’il mérite. Si l’on ne parlera pas non plus de chef d’œuvre, « Le Discours d’un Roi » enchante car c’est un film tout ce qu’il y a de plus artistique tout en traitant d’un sujet social et politique sans prise de position aucune. Beaucoup devraient en prendre de la graine…
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