Le Prénom

23 avril, 2012 | CINEMA | 0 commentaires

le-prenom.jpg Par Aymeric Engelhard

 

Transposer sa pièce du théâtre au cinéma n’est pas une mauvaise idée en soi. Cela permet de dévoiler ce que l’on ne peut qu’imaginer lors des représentations. Malheureusement toute pièce ne peut se targuer de posséder un potentiel cinématographique. C’est là tout le problème avec « Le Prénom ». Sans une bande de comédiens impeccable, on aurait vite fait le tour d’une blague à petit potentiel.

 

« Le Prénom » met en scène cinq personnages qui se retrouvent pour dîner. Deux couples et un ami qui se connaissent depuis toujours. Mais lorsque l’un d’eux annonce le prénom pour le moins litigieux qu’il compte « offrir » à son futur rejeton, les assiettes commencent à voler. Cinq personnes pour cinq clichés. Pierre, le prof intello de gauche, Elizabeth, sa femme, mère desperate housewife, Vincent, la quarantaine, de droite, blin-bling, Anna, son épouse, femme épanouie dans la mode et enfin Claude, artiste musicien à l’air plutôt efféminé. Une bande aux convictions et modes de vie relativement contraires qui ne demandaient qu’à s’entrechoquer. Du coup, chacun en prend pour son grade et le simple litige concernant le prénom, qui se révèle rapidement être une blague débile, transforme le dîner en jeu de massacre. On reconnaîtra aux auteurs et réalisateurs leur puissant sens du dialogue. Déjà à l’œuvre sur les scénarii de « Gainsbourg, vie héroïque » et « Renaissance », Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte parviennent à transposer l’énergie de leur pièce sur grand écran. Les dialogues aiguisés fusent et il n’est pas rare d’être choqué par ce que les personnages s’envoient généreusement. Le sens de l’humour des deux lurons fonctionne bien et le fait qu’ils ne lésinent pas sur les sujets « chauds » (le nazisme pour ne citer que lui) est tout à leur honneur. Cependant, la farce tourne vite en rond et dès la moitié du film on commence à se lasser de ces joutes verbales insensées. Le problème c’est aussi que « D’lapatte » et « D’laporte » ont été devancés il y a quatre mois par un certain Polanski et son fulgurant « Carnage ». Dans l’univers du théâtre transposé au cinéma, c’est un must, une perle de gestion d’espace et en matière de jeu de massacre c’est une véritable référence tant les limites semblent inexistantes. Forcément, comparaison il y a. Et forcément, « Le Prénom » ne fait pas le poids. Le duo de réalisateurs ne maîtrise pas aussi bien l’espace filmique que théâtral et les nouvelles vagues de fureur apparaissent parfois surfaites. Puis quand on se décide à passer en mode dramatique, après un tel enchaînement d’humour et de crise, la mayonnaise ne prend pas. Certains personnages perdent leur crédibilité (Claude en tête) et d’autres se ridiculisent (Elizabeth). Du coup, « Le Prénom » ne dépasse jamais sa petite condition de comédie française simpliste malgré des dialogues assez exceptionnels. On applaudira quand même un casting génial duquel émerge un Patrick Bruel étonnant malgré le caractère insupportable de son rôle. A vrai dire, ils sont tous plus ou moins insupportables mais tellement bien interprétés que pardonnés. La patte de « D’lapatte » (si je puis dire…) et « D’laporte » marque toujours un peu plus le cinéma gaulois mais on aimerait qu’ils sortent un peu plus des sentiers battus et des clichés. « Le Prénom » aurait grandement gagné sans ces facilités.

 

 

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