Photo DR
Par Aymeric Engelhard
1823. L’hiver s’abat sur les forêts américaines. Une bande de chasseurs et vendeurs de peaux subit les lois de la nature ainsi que la violence des natifs indiens. Leur groupe considérablement réduit, ils sont contraints de fuir.
Mais voilà, Hugh Glass (hallucinant oscarisé Leonardo DiCaprio), le trappeur leur servant de guide, est atrocement blessé par un ours et laissé pour mort par l’un des chasseurs avec qui il entretient une funeste rivalité. Alors que la troupe tente tant bien que mal de regagner son fort situé bien loin de ces événements, commence pour Glass un voyage au bout de l’enfer afin de survivre dans un monde qui ne veut pas de lui. Inspiré d’une histoire vraie, « The Revenant » réunit tous les éléments du grand film d’aventure naturaliste. Il rappelle les grands « Jeremiah Johnson » et « Le Convoi Sauvage », « Le Nouveau Monde » et « Le dernier des Mohicans ». Des œuvres phénoménales sur des conquérants se croyant capables d’affronter une terre inconnue, de la soumettre. Ces hommes qui engendreront l’américain moderne, aux origines européennes, se croyant au-dessus du monde. Mais comme toujours la Nature ne se laisse pas faire. Et si les films précédemment cités pouvaient se montrer édulcorés dans cette lutte, « The Revenant » la montre frontalement.
A l’aide de prodigieux plan-séquences, Alejandro G. Inarritu nous plonge dans l’environnement de son film. La caméra suit l’action et les personnages, passant d’un point de vue à l’autre sans couper afin de nous faire prendre conscience de tout ce qui se déroule. A ce titre, les premières minutes sont à couper le souffle. Jamais attaque d’indiens n’aura été aussi impressionnante. Sans parler du combat de DiCaprio face à l’ours tourné sur le même principe, d’une violence inouïe, qui justifie à lui tout seul l’utilisation du plan-séquence tant il est estomaquant. Et c’est à peu près comme ça du début à la fin. Tout est affaire de mise en scène.
Oui car si visuellement c’est merveilleux, le cinéaste mexicain semble délaisser légèrement ses personnages et son histoire au profit d’une expérience de survie saisissante. Fitzgerald, grand bad guy du film incarné par Tom Hardy, est carrément traité de façon archétypale. Le genre de méchant déjà vu mille fois qui ne magnifie pas vraiment les scènes dans lesquelles il apparaît. C’est bien dommage pour une histoire de vengeance. D’ailleurs « The Revenant » pèche là aussi. Cette vengeance nous importe finalement bien moins que les diverses encombres subies par Hugh Glass et ses techniques pour en sortir indemne. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’Inarritu a ajouté des éléments scénaristiques légèrement grossiers dans le duel entre Glass et Fitzgerald, se sentant obligé de justifier constamment que son film est doté d’une histoire. Si cela n’a pas d’impact sur l’expérience véhiculée par le métrage (stupéfiante, clairement), c’est quand même dommageable.
Du coup, « The Revenant » se vit plus qu’il ne se regarde. C’est une expérience effarante, terrifiante parfois au point de nous enfoncer dans les sièges. Picturalement, le chef opérateur Emmanuel Lubezki a créé de véritables œuvres d’art et la direction artistique se révèle particulièrement immersive. C’est du très grand cinéma d’aventure, d’une violence sidérante et d’une beauté écrasante malgré un traitement finalement assez grossier.
0 commentaires