Par Bernard Gouttenoire
Jean Couty à toujours peint la vie. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le peintre des hommes, que nous allons rencontrer, bien -au delà- c’est l’amoureux de la nature, le peintre des paysages, l’aventureux -toujours au départ- le peintre de nulle part et d’ailleurs, un gourmand de peinture, un gourmet de partout, le chercheur du goût des autres… C’est tout un périple que nous entreprenons avec lui, à partir de l’île-barbe. Suivons-le tout l’été, baignons-nous de sa couleur…
Couty (1907-1991) est seul dans son atelier, au troisième étage de sa grande maison, sise à coté de Jocteur, le boulanger de l’île-barbe. Déjà, il voyage, destination plein Sud, côté soleil, la boule de feu, qu’il a vu en admirant «sa» basilique de Fourvière. Il a oublié le Moscou d’hiver, dont il avait paré la cathédrale de l’Annonciation -sur fond de grisaille- par des rehauts jaunes somptueux, pour donner à l’orthodoxie les éclats de sa brillance et de sa toute-puissance tsarine.
Départ pour l’Espagne, plus aride, quand Couty plus essoufflé entreprend les Pyrénées, pour nous faire basculer, du côté où paissent les ânes, là, entre les maisons d’albâtre, aux toits de paille. Quand l’astre feu, s’efface derrière la muraille de montagnes frémissante dès que la nuit tombe soudain. Les pinceaux s’agitent devant la splendeur du monde, c’est que Couty a offert ses plus beaux élans à la Catalogne, pays du feu qui danse sans cesse.
Plus tard, il traverse à grandes enjambées, lui petit homme trapu. Il a contourné l’Italie et Venise. Il se laisse porter dans les canaux qui grouillent de gondoles et chahutent les gondoliers. On le retrouve en Grèce, plus exactement à Santorin, avec -pour clichés- ses amas de bleus sur les toitures en coupoles, agglutinées aux rochers qui font barrage, encerclés par la Méditerranée. Là, on ne risque rien, tellement le paysage est enfermé sur lui-même, forteresse qui préserve les hommes de tous les dangers dans les ruelles serpentines.
Un peu plus loin, il est reparti Couty, laissant à Simone son épouse, le soin des valises. Lui, pour ne pas s’égarer, s’interdit de penser au matériel, sauf pour ses outils papier, crayons et pastels pour ne prendre que le pouls des sensations, des vibrations intimistes, les vraies émotions de sa moisson abondante et méditative.
Il plonge sur la Tunisie et surtout sur le Maroc, délaissant la si belle Algérie (où son livre « Couty inédit », -la Taillanderie, 2006- rayonne désormais depuis 2010, en lieu sûr, au Musée des Beaux-Arts, à Alger). Au Royaume du Maroc, il s’est régalé -en autres cités impériales, de la ville de Meknès, qu’il a voulu -sertie de roses appuyés et de verts bleutés enchanteurs- sur fond d’un œil-soleil qui offre toute la vie au monde à l’appel de la prière du muezzin. Splendide ode éperdue à la magnificence du Tout-Puissant.
Et là encore, plus au Sud, avant Agadir, la porte du désert, quand Couty recherche les couleurs authentiques retrouvées des architectures de terre, il jouit de l’ocre cuisant des matériaux. La terre rouge, inondée du soleil qui inlassablement cogne, lui parle. Il révèle, était ce à Diabat – le village au-dessus d’Essaouira, (où Jimi Hendrix a vécu onze jours en 1968, après un concert autant hallucinant que mémorable) – qu’il pose son regard avide des couleurs toutes paysannes des torchis. Couleurs que les apprentis architectes, en quête d’authenticité, se doivent de collecter, en guise de références ultimes pour un avenir salvateur.
Oui on peut le dire (et l’écrire), Jean Couty est écologique jusque dans sa conception du paysage, il possède l’œil parfait, pour ce qui est de l’environnement humain, qu’il veut léguer pour la suite. Pas trop « vert tendance mode crue », mais bien couleur de boue. C’est que la terre, le ciel et la mer, ne font qu’un seul bloc unitaire et indissociable. C’est ce qu’il assène à grands renforts de convictions intimes. Lui le fils de paysan et de maçons, lui le grand croyant devant l’éternel. Il donne le meilleur de lui, peintre et architecte, témoin des choses de son temps, émerveillé par la beauté originelle du monde.
L’exposition « Jean Couty. Paysages d’ici et d’ailleurs » est visible jusqu’au 4 octobre 2020, au Musée Jean Couty
1, place Henri Barbusse, Saint-Rambert l’Ile Barbe – Lyon 9 – Tel 04 72 42 20 00
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 18h
> Plus d’infos sur www.museejeancouty.fr
Au départ de Perrache, le bus n°31 s’arrête juste devant le musée
Pour les visites de groupes 10/20 personnes maximum (mesures sanitaires respectées), sur réservation 06 63 74 67 62.
Repas possibles dans l’un des 5 restaurants autour du musée
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