Indian Highway, les voix du malheur, les stigmates d’une mutation

22 avril, 2011 | LES EXPOS | 0 commentaires

 

indian.jpg Vue de l’exposition Indian Highway IV au Musée d’art contemporain de Lyon (24 février – 31 juillet 2011)Valay Shende, Transit, 2010 Courtesy Sakshi Gallery, Bombay © Blaise Adilo

 

 

Par Alain Vollerin

 

Souvent nés dans le malheur, les artistes indiens ont des choses à dire, des expériences atroces qui nourrissent leurs créations, et insupportable paradoxe ce sont les infâmes boursicoteurs de Bloomberg qui financèrent l’exposition de la Serpentine Gallery à Londres en 2009, et le fastueux catalogue qui accompagne le magnifique événement, auquel tous les Français peuvent assister au Mac de Lyon pendant plusieurs mois.

 

Thierry Raspail, commissaire associé, nous avait permis lors de précédentes biennales de découvrir certains de ces artistes nourris de traditions, de concepts contemporains, d’images illustres produites par d’immenses précurseurs, et de la terrible envie de dénoncer les souffrances de leurs peuples, les castes, les vexations multiples, les injustices incalculables et intolérables dont ils furent longtemps ou sont encore les victimes, sous les yeux des spectateurs mondialisés et pourtant impuissants que nous sommes encore. A l’initiative de cet événement, Julia Peyton-Jones, Hans Ulrich Obrist (qui fut l’un des commissaires de la Biennale d’Art contemporain de Lyon en 2007, où figurait déjà Shilpa Gupta), et Gunnar B.Kvaran. Chaque fois que l’exposition s’installe dans un musée situé sur son parcours, elle apparaît différemment. A Lyon, on a invité le Studio Mumbai (composé de deux architectes Michael Anastassiades qui vit et travaille à Londres, et Bijoy Jain, son fondateur, installé à Mumbai, autre nom de Bombay) à présenter des exemples de leurs études architecturales. Le Studio Mumbai propose : " des solutions pensées qui se forment dans l’intervalle entre espace-public et privé ", " des outils cruciaux qui nous permettent de saisir la complexité des relations entre les humains et leur environnement".

 

L’œuvre d’Hema Upadhyay répond à un climat de proliférations de logements précaires, et d’immondices. Le bidonville devient œuvre. Jiten Thukral et Sumir Tagra présentent « Putt It On » une installation réalisée après une enquête sur la situation du VIH dans l’esprit des populations locales. La sculpture dans le mur évoque l’américain Robert Gober. Une preuve de l’utilisation de l’histoire de l’art comme élément de vocabulaire des artistes indiens contemporains. Sudarshan Shetty montre des carcasses qui se chevauchent comme une volonté de dire notre méconnaissance des origines du Monde, nos fausses valeurs. Une des œuvres les plus fortes de l’exposition est sans doute Transit, 2010 de Valay Shende. Il a construit un gigantesque camion qui transporte des humains soulignant l’infini flux migratoire caractéristique de ce début de XXIe siècle, tout est fait avec des clous d’acier accentuant l’aspect rigide, implacable de ce phénomène historique. La production de Jitish Kallat est emblématique de la volonté des artistes indiens de décrire la fin d’un univers, d’une civilisation, ici, celle d’une société soutenue par la fébrile course des rickshaws, lesquels sont représentés comme des animaux antédiluviens, voir Autosaurus Tripous, 2007. Jagannath Panda vit et travaille à Delhi, où se développe une impressionnante activité autour du tissu et de sa teinture, aussi énorme que celle qui fit la fortune de certains soyeux régionaux.

 

Dans « Cult of Survival 2010 », un boa s’avale en fermant le cercle de sa reproduction, mais ses anneaux se sont transformés, se sont désormais des fragments de canalisations en zinc. Dans les années à venir, Indian Highway poursuivra sa route vers  Rome, puis Moscou, Singapour, Hong Kong et Delhi. Notre Monde bascule, il s’effondre en tous points, les artistes indiens portent de vraies questions qu’ils expriment avec l’art de leur temps, voici pourquoi cette exposition est particulièrement intéressante, et pourquoi il faut l’avoir vue. En complément de l’exposition, le Mac de Lyon propose des conférences, des spectacles de danse indienne, de musique fusionnelle ou électronique expérimentale de Dawood/Deora. Le volumineux catalogue contient un guide de la scène artistique contemporaine en Inde, et des textes très utiles à propos des artistes présents dans des états comme : le Sri Lanka, le Bangladesh, le Pakistan.

 

« Indian Highway »

Jusqu’au 31 juillet 2011

Musée d’Art Contemporain

Cité Internationale

81, quai Ch. De Gaulle – Lyon 6eme

04 72 69 17 17

 

 

 

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