Par Alain Vollerin
Peter Saul est un artiste américain, né à San Francisco en 1934. Cette ville, comme toute la Californie où était venu se réfugier Henry Miller, fut un foyer de créateurs totalement hors normes dans les années soixante, comme le démontrait la rétrospective organisée au Centre Pompidou en février 2006.
L'œuvre de Peter Saul correspond à cette époque à jamais disparue où la drogue, un besoin incompressible de transgresser, la volonté d'être libre à tous prix poussaient les artistes à se dépasser pour décrire des univers hors limites. Proche du Pop Art à ses débuts, Peter Saul s'adonne à une truculence qui n'épargne rien, ni personne. Comme Jean-Michel Basquiat, comme Keith Haring plus jeunes que lui, Peter Saul a vécu des heures très difficiles. Dans le milieu de l'Art, particulièrement en Europe, où il s'était installé, il fut longtemps contesté. Peter Saul pratique un art de la parodie, de la dérision qu'il expérimenta longtemps sur des chefs d'œuvre de l'Histoire de la peinture. Son regard sur notre société consumériste décuple son désir de l'inscrire dans le dérisoire. Son usage de la couleur est comme un cri qui soutient sa volonté de hurler son désarroi et son désaccord. La femme dans la maison familiale est une harpie empourprée dont la tête et les pieds jaillissent des murs et dont un bras violet traverse une fenêtre pour saisir par le cou le malheureux époux timide et soumis. Vénus n'est pas à la fête. Ou, plutôt si, Peter Saul convoque une danse des anges qui célèbrent joyeusement la mort de la pauvre déesse couverte de pustules. Sur une autre toile, on la voit sur l'océan étendue comme une sirène déjantée qui allume un énorme pétard. Elle s'étale, empruntant à Picasso une jambe figurant un long pif, ses seins multiples et balourds, sa bouche en biais défigurant une tête de vieux travelo à perruque blonde, pendant qu'au loin une combustion s'avance menaçant l'équipage tout entier. Oui ! Peter Saul ne respecte rien. Voici pourquoi, il a mis tant d'années à imposer son style. Ses messages dérangent, car son usage de la couleur qui pourrait satisfaire le goût du peuple pour le clinquant, est trop puissant, trop violent. Il vient dire « Je ne vous aime pas ». « Je n'ai plus le temps de vous haïr ». « Je vous envoie dans la gueule ces pots de peinture en vrac, comme les personnages de tragi-comédie que vous êtes ». Voici le message implacable de Peter Saul, véritable machine à flétrir, tel que je l'entends… Allez l'écouter, pendant qu'il est encore temps…
Peter Saul
Jusqu'au 26 février 2010
Galerie IUFM Confluence (s)
5, rue Anselme – Lyon 4ème
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