Par Alain Vollerin
Dès que vous entrez, règne un climat de sacristies dévastées, d’églises profanées, de punaises de bénitiers diabolisées, de saintes et de saints putréfiés, de confessionnaux hantés…
L’heure est aux sacrifices humains, des corps gisent ça et là, brutalisés, rompus, cassés, déformés. Le pire semble accompli, et pourtant, notre quotidien nous révèle qu’il n’atteint jamais ses limites. De salles en salles, les plus sensibles entendront les cris d’âmes damnées, d’esprits errants. Oui ! Le désespoir humain règne partout parmi les œuvres appartenant à la collection du grenoblois Antoine de Galbert, depuis quelques années installé à Paris. Est-ce lucidité ou fascination pour l’Au-delà ? Qui osera se signer devant la Croix de Jan Fabre ? Claude Lévêque que nous avions vu lors d’une précédente Biennale d’Art Contemporain, nous prévient : « Vous allez tous mourir ! ». C’est pas possible ! Son œuvre est un néon blanc. Hermann Nitsch fut un acteur de la performance, réputé dans les années soixante / soixante-dix, sa civière sent le refroidi. « Une performance, c’est comme un plat de nouilles », aimait dire mon ami René Deroudille, le pharmacien et critique d’art. « Cela se mange chaud ». La mort rode partout. Dans « les yeux » du regretté Philippe Dereux, dans les mannequins couverts de gouttes de sang et de crottes d’Henri Ughetto. De lui, on peut aussi voir un portrait photographique nommé « la parade des monstres ». Lucien Pelen évoque « la Tombe ». Pierre Molinier était fasciné par « la Tombe prématurée ». Joël-Peter Witkin illustrissime dans les années quatre-vingt composa une « Tête de mort » plus vraie que nature.
On a mêlé aux œuvres contemporaines des peintures classiques issues de la collection du musée, comme cela se fait un peu partout dans les institutions « branchées ». Louis Cretey, Théodore Géricault, Fleury Richard furent appelés à la rescousse, ainsi que des croix et reliquaires des 17e et 20e siècles. Jamais, on ne dépasse le premier degré, quand on n’est pas dans le subliminal. Dommage ! Vous verrez aussi : Arnulf Rainer, Man Ray, Ben, Annette Messager, Hans Bellmer, Jean Rustin, Eugène Leroy, Jean-Marc Bustamante, François Morellet, Andres Serrano, Lucio Fontana, Sophie Calle, Augustin Lesage, Roman Opalka, etc. Le catalogue contient un entretien entre les deux commissaires de l’exposition Sylvie Ramond, conservatrice du musée, et l’ex-galeriste Antoine de Galbert intitulé : « Dieu seul le sait. ». De quoi aviver nos doutes. C’est le bal des sursitaires. Jean-Jack Queyranne, le président du Conseil Régional (natif du 2 novembre, sous le signe du scorpion) a beaucoup apprécié. Entretiendrait-il un attrait prononcé pour le morbide, le mortifère ? Cet ensemble révèle la remarquable acuité du regard d’Antoine de Galbert. Il dépasse largement l’univers de l’Art Brut, et même de l’Art Hors-les-Normes. Il ne se laisse pas contenir par cette limite réductrice. Je félicite Sylvie Ramond pour cette intelligente initiative. Je partage la passion du président Jean-Jack. Peut-être parce que je suis né, comme lui un deux novembre, le jour des morts? Pour une fois qu’on se marre au musée, diront les esprits éveillés, scandalisant les pisse-froid, les pisse-vinaigre… Alors qu’il faut en effet se réjouir d’être toujours là, bien vivant. Mais, pour combien de temps ?… Ainsi soit-il ? Amen, bien entendu !…
Jusqu’au 2 janvier 2011
Musée des Beaux-Arts de Lyon
20, place des Terreaux – Lyon 1er – 04 72 10 17 40
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