Par Alain Vollerin
Philippe Rousseau est né en 1965 à Dinan, élevé par Jean Pollak, galeriste parisien, ami des artistes du groupe Cobra, du peintre André Doucet, et du critique et historien d’art Michel Ragon, il rencontre très tôt, quelques-uns des plus passionnants artistes de la seconde moitié du XXe.
Son passage à l’école des Beaux-arts de Paris le conduira à la Casa Velasquez après qu’il eut été reconnu par les membres de l’Institut, dont Jean Dewasne, tenant de l’Abstraction construite, et génial illustrateur de l’intérieur de la Grande Arche. Philippe Rousseau peint les Hères Célestes, des clochards contemporains nus comme des vers de vase, mais d’un rose moche comme d’horribles bébés de l’Apocalypse. Ils sont laids, gras, vulgaires, dégoulinants et repoussants. En plus, seraient-ils méchants ? Sans aucun doute, oui. Puisqu’ils incarnent nos propres reflets, nos attitudes les plus inavouées, nos mœurs les plus cupides. Oui, le sexe est partout, puisqu’il ne nous reste plus que cela, avec une féroce envie d’argent facile et de pouvoir dictatorial. Sur les toiles de Philippe Rousseau, les mamelles s’effondrent en plis dispendieux, les sexes féminins s’étalent en d’infinis bourrelets répugnants. Ils sont semblables à des cloaques de poulpes violacés prêts à vous dévorer. Pour accentuer cette répulsion, Philippe Rousseau utilise des effets d’épaisseurs en ajoutant de la fibre à la matière à l’huile. Tout cela est grumeleux et graveleux. Nous sommes dans le sordide conforme à la réalité morale de notre époque. Jean Rustin avait déjà largement évoqué le sujet. Comme les personnages décadents de Velasquez, les Hères Célestes sont en représentation. Ils s’exhibent dans leurs horreurs mentales et physiques, dans leurs oripeaux psychiques. Il y a aussi du Goya, bien entendu. Tout ce que l’Humanité a produit de cris inhumains, de plaintes sordides convergent désormais sur les toiles de Philippe Rousseau. L’une d’entre-elles par un climat de fête réveille en nous le souvenir de l’œuvre d’Auguste Renoir « Le Déjeuner des canotiers », mais au lieu de gentilles bluettes dignes de ceux qui attendaient déjà la semaine de quarante heures et le front populaire de Léon Blum, on entend de stridentes calomnies comme dans un enfer peint par Jérôme Bosch ou Dante. Si, elle décrit les bas-fonds de notre univers, l’œuvre riche de lucidité de Philippe Rousseau demeure une fantastique confrontation entre un homme et son art, entre leur auteur et la peinture.
Jusqu’au 26 février 2011
Galerie des Tuiliers-Cécile Darmon
33, rue des Tuiliers-Lyon 8e
04 72 78 18 68
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