Photo © Fabrice Schiff

Par Alain Vollerin

 « Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau, ont-ils des ailes ? », chantais-je avec une voix de fausset à ma bonne grand-mère qui me construisit en partie un regard, en m'obligeant à me positionner face au monde qui m'entourait, celui des bords de Saône, que j'allais redécouvrir, mais sublimé, dans l'œuvre des artistes du groupe Ziniar.

Quand on est né au bord de l'eau, on sait ce qu'est une barque, un bateau. Pierre Lutrin est né à Meyzieu. Il vit entre Marseille et Aubagne, à la Penne sur Huveaune. Mais, ses bateaux ne tiendront jamais la mer, et c'est ce qui nous plaît, ce qui retient notre attention. Peindre un bateau correct, tout le monde peut le faire, même Jean-Marc Requien. Alain Roche ou Jean Claverie sont capables de dessiner ou de peindre des bateaux qui vont sur l'eau, mais, c'est tellement plus rigolo d'en faire de toutes les formes, des petits et des grands, avec ou sans remorqueur, pleins ou vides, peu importe. L'essentiel est ailleurs, dans une sorte de poésie de l'acte manqué, dans cet élan sisyphien pour traduire la Nature, sans jamais y parvenir. Dieu merci ! Notre intérêt est nourri par cette maladresse congénitale où l'inévitable catastrophe tient lieu de but absolu. L'art de Pierre Lutrin commence là, où la volonté n'a pas de prise, n'en n'aura jamais. Avec la meilleure du monde, il ne pourrait interrompre son génial balbutiement. Chez Pierre Lutrin, la vanité est battue en brèche. Le peintre est tout entier dans sa rude impossibilité à figurer dans la norme. Hors les normes, voici bien le qualificatif qui le traduit le plus justement. Comment, alors, ne pas évoquer ce peuple de la marge, longtemps tenu dans l'ombre par l'art officiel. Pour comprendre et ressentir l'œuvre de Pierre Lutrin, il faut ouvrir l'œil, ce qui est aussi et peut-être, la plus sûre des manières d'ouvrir son âme, et donc son cœur et son esprit.

Jusqu'au 18 avril 2009

Galerie Nouvelle Echelle d'Or

124, rue de Sèze – Lyon 6e