Gilles
Humbert, l'archi intime du Très Haut
De
notre correspondant Mehdi
Gilles
Humbert, 55 ans, surnommé Saint Pierre
dans sa profession de décorateur et
d'architecte doit sa notoriété
à son talent artistique mais aussi à son
amour du bistrot. On ne parle évidemment pas
ici des PMU et autres lieux décadents où
l'homme faible se met en exergue de part le
flot incessant du rouge qui tache, mais de ces
bistrots bien français dans lesquels les
langues goulues se délient à la couleur
d'un Vionnier, St Jo, rosé de Provence
accompagnés d'un saucisson sur lit
d'olives vertes. A la manière des poètes
maudits, Saint Gilles trouve donc
l'inspiration au comptoir de l'hédonisme.
Portrait.
La
rencontre se fait au Café du Pond,
chez Albert, à l'intérieur des murs
qu'il a lui même décorés quelques mois
auparavant. « Il voulait partir
à Megève, et lorsqu'il m'a dit qu'il
rachetait finalement le Lyautey, je me suis
lancé dans sa création à base de bois et
avec des clous au plafond. C'est comme ça
que je voyais Albert : il ne m'a pas
adressé la parole pendant 8 jours ! »
Dégaine à la Gainsbourg,
regard de Brassens et discours de Ferré relèvent du charme des écrivains
d'antan qui, forts de leur passions pour un
art, ne tarissaient pas d'éloges pour les
filles de joie et le bon vin. Néanmoins un
vrai talent habite Saint Gilles.
Celui de l'ange qui regarde en attendant de
créer mais qui n'en oublie pas ses copains,
d'abord, et c'est pourquoi l' histoire
n'est pas moins étonnante. Pourquoi faire
simple lorsqu'on peut faire la fête...
En
1967, à la sortie de l'Ecole des
Beaux Arts de
Lyon, le jeune homme originaire de Lyon, n'a pas le bac : il le
passera d'ailleurs 8 fois avant de
l'obtenir mais développe d'autres
arguments pour calmer les inquiétudes de son
père hôtelier dans la presqu'île.
A 20
ans à peine, il paye déjà « la
peinture à toute l'école »
le jour, et tient un club privé la nuit rue Emile
Zola, Le Circée
: " Mon concurrent direct était alors
Albert Dray qui tenait La Champagneraie, rue
Royale.
On se tirait la bourre ! " Il voit alors passer toutes les personnalités
lyonnaises et d'autre noms en pleine
ascension telles que Johnny Hallyday ou
Eddy Mitchell.
Cette
aventure se clôt sous les conseils de sa
famille, et après une brève entaille au régime
gaulliste (une histoire de pavés en 1968), il
se lance dans la grande passion de sa vie, la
déco et l'architecture d'intérieur.
C'est d'abord par la réalisation de la
boutique Clémentine rue Emile Zola, puis par la conception des boutiques Clergerie
que le jeune surdoué se fait
largement remarquer. « L'idée
était de faire des boutiques qui restaient
commerçante et chic, c'était des bombes ! ». Ensuite l'aventure continue avec Flip Machine,
boutique de jeans avant-gardiste.
Comme
à chaque fois Saint Gilles
joue avec les limites du « toléré » :
« Ces boutiques auraient pu être
interdites par les Bâtiments de France, tout
le jeu consistait - et c'est toujours le cas
- à détourner les normes pour réaliser ce
qu'on voulait »,
s'amuse-t-il.
C'est dans ce cadre qu'il
rencontre l'équipe d'entrepreneurs dont
il ne se séparera plus, ainsi que celui qui
deviendra son ami Pierre Chaduc,
concurrent et pote de bringue : « On
dit de lui que c'est Dieu et de moi Saint
Pierre. Imaginez les bringues privées avec
les 12 apôtres
(les entrepreneurs), Saint Pierre et Dieu ! »
Pour Saint Gilles « on est dans ce métier star pendant trois ans puis on
plonge durant deux années en attendant la résurrection ». Dans ces périodes fastes, il signe Joannard,
le concept Coté Maison (ci-dessus),
et la maison Bexley ou encore . Un tournant de sa carrière se fait du coté de la rue
Mercière lorsqu'il y a dix ans, il crée le
concept du Salmon Shop,
et du Bleu de Toi.
Les
années 1990 ne tarissent pas la passion du
concepteur qui, au sein de la société Concept
& Result,
continue à créer de nouveaux lieux tout en
déclamant des poèmes avec son ami Léotard
et Charlélie Couture.
En 30 ans sa
passion n'a cessé d'évoluer, il se
surprend même à dormir debout dans la rue à
la manière des marins qui récupèrent lors
de leur transat. « Aujourd'hui j'aime
une femme qui m'appelle "Bonheur" et
j'en suis fier ! »
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