L'irréductible
ambition de Nicolas Le Bec
De
notre correspondant Mehdi
Nicolas
Le Bec, 29 ans, Chef cuisinier et associé du
restaurant de la Cour des Loges, a créé la
surprise lors de sa désignation le 14
Février dernier par l'édition 2002 du
guide Gaultmillau
comme « cuisinier de
l'année ». Portrait d'un jeune
aventurier breton qui n'a pas attendu la
reconnaissance de ses pairs pour convaincre...
Pour
le plus grand plaisir de nos palais, Nicolas
Le Bec a investi le patio de l'hôtel de la
rue du Buf à Saint Jean, il y a plus d'un
an. Son insolence et sa détermination sont à
la mesure de la note maximale obtenue dans le Gaultmillau :
19/20. Sous un angélisme de façade se cache
une ambition sans égal. Magnéto,
Serge !
Né
dans le Morbihan dans une famille de
commerçants, rien ne le prédestine aux
fourneaux. Rien, sauf lui même car sa
vocation le pousse dés l'âge de 13 ans à
entrer à l'école hôtelière du lycée
professionnel privé de Seine-et-Marne. Il
cherche après son Cap à se faire exclure
pour vivre et apprendre de ses propres ailes.
A l'issue d'une année scolaire
mouvementée, la direction le prie d'aller
se faire voir ailleurs...
Aussitôt
dit, aussitôt fait ! Le jeune trublion
de 17 ans s'envole vers New York et vit dans
le Queens, à 1h30 de Manhattan, son lieu de
travail. Au menu, différents jobs dans les
restos français. « La vie dans
Big apple était enrichissante du fait d'une
provocation constante »
raconte-t-il. Décodage : Nicolas, jeune
blanc bec (sans mauvais jeu de mot) se ballade
crâne rasé en plein cur de la black
connexion. Ce premier séjour de trois mois a
pour effet d'affirmer le caractère battant
du jeune homme.
De
retour en France, une seule obsession le
motive : intégrer les Compagnons et
faire son tour de France. Première barrière,
Nicolas Le Bec voit les portes de la
« confrérie » se refermer devant
lui par manque de place. Insuffisant pour le
décourager, il intègre la maison Egleny en Seine-et-Marne et apprend tout de la cuisine, de la pâtisserie, et
de la boulangerie. Reparti une seconde fois
aux USA, il focalise son attention sur les
prouesses des meilleurs créateurs culinaires
et les démarche de façon systématique.
C'est
ainsi qu'il entre chez les jumeaux Pourcel
à Montpellier (maintenant 3 étoiles au Michelin).
S'en suivra un passage dans chacun des
établissements réputés les plus difficiles
de Paris : Passard, Oligato et
Duquesnois . « J'allais
là où c'était dur ».
N'hésitant pas à commencer à chaque fois
en bas de l'échelle, il est rapidement
propulsé vers des postes à responsabilité
qui lui permettent de partir en
représentation en Californie, en Amérique du
Sud, au Japon. Il distingue au passage les
saveurs nouvelles qui inspireront sa cuisine.
La
chance couronne enfin son travail
acharné : promu
2nd de cuisine à La
Réserve de Beaulieu
sur la Côte d'Azur le désistement du chef
le propulse en 1ère place.
Tout
s'enchaîne pour lui, à 22 ans, quand il est
remarqué par Jocelyne et Jean Louis
Sibuet. Les propriétaires de La
Ferme de Marie l'enmènent à Megève et en moins de cinq ans, il
obtient la note de 17/20 au Gaultmillau.
Non rassasié pour autant, il enfourne les
cuisines des cinq hôtels les plus prestigieux
de Megève, propriétés de ses nouveaux
mentors. Le « dauphin »
s'associe à l'ouverture de La Bastide
de Marie en
Provence en juin 2000 ,et consécration
ultime : il acquiert le restaurant de la
Cour des Loges lors du rachat en juillet de la
même année.
Le
gladiateur est devenu général. Responsable,
gestionnaire et formateur à la tête d'une
armée de 100 cuisiniers, soit 8
établissements à ce jour, il ne compte ni les
heures ni les kilomètres. Chaque détail a,
en cuisine comme dans la vie, son importance.
Rien ne lui échappe et aux commandes des Loges, il obtient le titre de cuisinier de
l'année 2002 dans le second guide
gastronomique français.
Toutefois
le Guide Rouge
semble le bouder, et ce n'est pas vraiment
étonnant. De fait, les établissements dont
il a la charge refusent « la loi du
guide » sous le flambeau du Groupe des
Compagnies de Montagne. Exception faite des
Loges.
Provocation
ou inconscience ? Le jeune chef est doté
d'une ambition sans faille : « Je
me donne deux ans pour obtenir 2 étoiles et
sept ans pour en obtenir 3 ».
Quant à ses pairs lyonnais, ils semblent
faire fi de son parcours (voir
chronique).
Décrivant
la cuisine comme une émotion subtile, le
jeune premier « joue » donc comme
il aime le dire « dans la cour des
lions ». Cet art de vivre sera
d'ailleurs le prochain thème du restaurant
qu'il ouvre dans un mois rue du Buf. Le Café
Epicerie des Loges proposera une cuisine conviviale de copain, à choisir sur un étalage
pesé à la balance. Sans faux semblant le
parcours de ce (grand) Chef est à suivre au
gramme près.
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