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24 mai 2004



 

 


























 

Robert Saint-Clair n'est pas un photographe comme les autres. Atteint de poliomyélite, il s'est fait une spécialité de couvrir tous les événements les plus marquants de Lyon et d'ailleurs. Peu importe les risques à courir. La photo, c'est le sel de sa vie.

 

Sa vie, il se l'est inventée. Ses séjours hors de prix dans un palace à Cannes, ses face à face au dixième de seconde avec Mick Jagger, Sharon Stone, Bill Clinton ou Jacques Chrirac : inventés. Ses incursions dans les meetings politiques, dans les salons d'Hôtel de ville, dans les manif ou les soirées mondaines : inventées. Même son propre nom est inventé. Non pas que Robert Saint-Clair soit un affabulateur. Son métier, c'est reporter photographe. Et comme il travaille en free lance, les reportages qu'il réalise sont souvent d'abord le fruit de ses envies, plutôt que l'exécution d'une commande de journaux. Il "shoote" de préférence les célébrités et les stars, mais aussi tout bonnement la vie, surtout si une prise de risque est nécessaire. Sur le terrain, autour de lui, il suscite à peu près la même impression qu'un extraterrestre débarqué de sa planète. Quoi de moins ordinaire, en effet, qu'un paparazzi atteint de poliomyélite ?

 

Saint-Clair a toujours eu le goût de la photo, mais l'idée d'en faire carrière lui est venue assez tard. L'occasion lui a été donnée en 1987, à l'occasion du quarantième festival de Cannes. A l'époque, un ami photographe le met au défi de couvrir la manifestation. Robert a alors 28 ans. Il n'hésite pas à s'endetter pour couvrir tous ses frais de transports, de bouche et de représentation - dont six smokings taillés sur mesure, protocole oblige. "Pour ne rater aucun moment important, j'avais réservé une chambre au Royal Hôtel. Cet établissement occupait une place stratégique, à mi-chemin entre deux des plus grands palaces de Cannes et tout près du Palais des festivals".

Ce coup pour voir sera son déclic. Il se jette dans l'inconnu, sympathise avec d'autres photographes, se faufile dans des trous de souris pour être présent aux premières loges, risque même de se rompre le coup pour des images en plongée que d'autres ne feront pas. "Imagine : je n'avais aucune accréditation. Juste mon sourire, mes béquilles, mon appareil photo et une fausse carte que je m'étais fabriquée. A chaque fois, il fallait que je passe à travers la foule et que je grimpe sur des poteaux ou sur des toits de camions pour faire mes prises de vue. J'étais en bonne lignée : je profitais des flashes des autres photographes." Robert part dans un éclat de rire : "Dire que cette année-là, j'ai fait le portrait de Sharon Stone sans même savoir qui elle était !"

 

C'est avec le même sourire carnassier, souligné par une fine moustache d'hidalgo, que Robert Saint-Clair parle des "situations dingues" dans lesquelles il aime se fourrer. Enjamber des barrières en pleine Feria de Nîmes, brûler la politesse à des vigiles sur un meeting de campagne présidentielle, ou se retrouver bloqué dans une manifestation de rue, aucun obstacle ne l'effraie vraiment. Son plaisir, c'est de mettre de la folie dans sa vie, quand d'autres se contentent de la rêver : "Un grand photographe ne se rend jamais compte des risques qu'il prend. Dans l'action, il n'est plus qu'un œil qui capte la vie. Et puis tu sais, il y a une solidarité incroyable dans ce métier. Les gens s'entraident. Il m'est moi-même arrivé de défendre un cameraman dans une manif qui tournait mal. J'ai distribué de grands coups de béquille pour le protéger". Il en tend une et observe la réaction : "Eh oui, la tige est pleine. Les béquilles ordinaires, je finis toujours par les casser !"

 

Robert n'a pas le sentiment que le handicap soit un frein pour exercer. Primo, "parce que je n'ai jamais connu la situation de valide : j'ai contracté la poliomyélite à l'âge de cinq mois, à l'hôpital. J'ai grandi en prenant conscience de mon handicap surtout dans le regard des autres". Secundo, parce que "c'est sur le terrain que tu te fais un nom. Les gens qui acceptent ou pas de te laisser entrer ne regardent pas le photographe, mais le personnage. C'est donc préférable d'être différent des autres. Ma force, c'est d'avoir voulu démontrer que la profession de reporter n'est pas une question de physique".

 

A 44 ans, Robert Saint-Clair n'a qu'un regret : "J'ai pratiquement tout fait, à l'exception des photos de guerre. Bien qu'aujourd'hui je sois accrédité, l'administration me refuse toujours le droit de partir pour des questions de sécurité". Peu importe. Il ferme soigneusement son impressionnant press-book et met le cap sur son atelier. Quel sera son prochain sujet : pince-fesses people, réunion politique ou reportage en entreprise ? Il ne le sait pas encore. Composer au jour le jour, c'est justement ce qu'il préfère.

 

Laurent Poillot / Pleins Titres

 

Robert Saint-Clair

Studio 216, rue du 14-juillet

69100 Villeurbanne

Tél : 06 09 09 59 52
 


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