Yves Chalvin, la
rondeur épicurienne
De notre correspondante Brigitte Guardi
Ce fils de dentiste a "chopé"très tôt le virus de la chine grâce à un
ami antiquaire, avenue Foch. Il lache rapidement l'immobilier pour
démarrer au marché Bramy en 1972. A sa disparition, il s'installe avec les
autres marchands au marché Stalingrad. Dernière étape : en 1983, c'est
l'installation, la "consécration" rue Auguste Comte. Un itinéraire
exemplaire.
La galerie dans le Faubourg Saint Honoré lyonnais est sa vitrine. Quelques
magnifiques meubles XVIIIe parfois estampillés comme cet exceptionnel
secrétaire Hache (cette dynastie d'ébénistes grenoblois aux meubles
marquetés tellement reconnaissables et si recherchés aujourd'hui) et de la
peinture. Actuellement, bel ensemble de boiseries Directoire lyonnaises
encadrant une fontaine en pierre de Saint-Cyr. Mais, le gros des affaires
se traite plus discrètement dans le vaste dépôt de Villeurbanne. L'un dans
l'autre, les affaires marchent et ce marchand heureux ne se croit pas
obligé de gémir comme la plupart de ses confrères.
"Le marché évolue" explique-t-il "et se restreint.
Pour développer son activité il sera de plus en plus inévitable de
travailler avec les salles des ventes, les groupements ou sur les salons.
J'ai conscience qu'il deviendra difficile de rester isolé et cela
posera des problèmes pour ce métier de farouches individualistes".
Jusqu'à présent, Yves réussit fort bien à sortir son épingle du jeu en ne
proposant que de la marchandise rare. En cheville avec quelques
grands décorateurs parisiens, il constate la rareté de ses clients
lyonnais, essentiellement, des professions libérales. "La tranche d'âge
de l'amateur a grimpé. Nous touchions autrefois les quadra. Maintenant,
nos clients se situent entre 50 et 60 ans".
La mentalité des amateurs a aussi évolué. Moins de collectionneurs qui
entassent mais le choix d'un meuble ou d'un tableau rare qui ressort
heureusement dans un décor contemporain est fréquent. Pas étrangère non
plus, la notion d'investissement : une belle pièce XVIIIème ne peut que
prendre de la valeur et se révèle, à l'heure des dégringolades boursières,
un refuge. N'oublions pas que l'objet d'art se transmet sans impôt, n'est
pas taxé dans l'ISF. Attention, cependant, de bien acheter. Les pièges en
matière d'antiquités sont innombrables.
La peinture est la deuxième passion du marchand qui s'est spécialisé dans
l'école lyonnaise. Chez lui, toujours des peintres de fleurs. Souvent
d'anciens dessinateurs en soierie ou simplement influencés par eux, ces
artistes sous la houlette de Berjon (fin XVIIIème) furent nombreux,
talentueux et représentent une vraie spécificité lyonnaise. Yves Chalvin
croit à l'école lyonnaise XIXème représentée par Ravier, Carrand, François
Vernay, Appian, Louis Guy, Jacques Martin, Seignemartin, Saint jean, des
peintres qui, bien souvent, annoncent l'impressionnisme par leur intense
amour de la nature. Le dauphinois François Guiguet, chantre de la vie
familiale, des travaux domestiques a aussi sa place, à la galerie. "Cette
peinture régionale reste très abordable" note l'antiquaire "et sa côte ne
cesse pas de grimper régulièrement". Toujours présents, aussi, des
orientalistes, une faveur qui ne se dément pas, un genre qui s'intègre
tellement bien à un ensemble déco.
Personnage chaleureux, bon vivant, aimant les amis et la bonne chère, Yves
Chalvin est aussi un connaisseur avisé. Sa bonhomie masque
superficiellement l'il avisé du pro. Ne nous y trompons pas, voilà un
grand marchand.
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