Luc Vaganay
Poussière de bois, parfum de sciure
Photos © Nico
Par Brigitte Guardi
Tâcheron du bois et de la colle, Luc Vaganay rend aux
meubles anciens leur santé, leur splendeur d'antan. Dans le vaste atelier
de la rue Vendôme, les techniques et les outils sont les mêmes qu'au
XVIIIème : gouges, ciseaux, varlope, guillaume, wastringue (rabots),
trusquin pour le traçage, presse et serre-joint pour la découpe des bois
qui sont ensuite assemblés à la colle blanche, d'os, de nerf ou de
poisson. Du coupé-collé d'excellence.
"Ce n'était pas évident de choisir un métier manuel" se
souvient Luc, "quand à la fin de ma troisième, j'ai exprimé le désir de
devenir ébéniste ou bijoutier, mes parents ont été formidables et m'ont
laissé faire. Mes copains étudiaient le droit ou la médecine et je me
sentais un peu le vilain petit canard." Après trois années à l'atelier
d'apprentissage Boisard, le tout jeune homme travaille chez
l'antiquaire Rey puis, chez un ébéniste dont
il reprend la succession en 1985. Il se lance à vingt trois ans et
s'installe à la place d'une droguerie rue Vendôme. Vingt ans après, il
fait travailler quatre personnes et rend leur lustre à des pièces souvent
exceptionnelles. Comme cette commode XVIIIème galbée et marquetée dont
les bronzes d'époque portent tous le C (marque d'un impôt de la Couronne
institué en 1754 et qui ne dura que quatre ans ce qui permet de dater le
meuble). Cent cinquante heures de travail.
Les surprises sont monnaie courante. Pour un grand antiquaire lyonnais, il
a restauré une commode à porte de Beneman destinée à être exposée à
la Biennale de Paris. Sur l'arrière du meuble, on découvre un W, marque du
mobilier du château de Versailles. Le conservateur du château venu voir
retrouve dans l'inventaire la présence de ce meuble et l'a racheté. Des
meubles de Hache, de Jollain, de Desgodet ont
transité par l'atelier. "Je suis heureux car je pratique un métier
passion. J'ai beaucoup de travail. Surtout avec des particuliers mais
aussi des "réguliers" comme le château de Bagnols dont je restaure les
meubles pendant les six semaines de fermeture chaque année, les archives
de Lyon ou le Musée Saint Pierre. Aussi des étrangers, des suisses et
même, mais oui, des américains qui ont acquis une belle pièce chez
Sotheby's ou Christie's à Paris ou à Monaco et tiennent à la faire
restaurer avant le départ. J'ai énormément de travail. Néanmoins, je rêve
à un assouplissement des 35 heures, un carcan terrible pour un artisan
(j'en fais moi-même au moins 60) et à la diminution de la TVA."
Ce métier exige beaucoup d'humilité et de respect. Il n'est, en effet pas
question de laisser son empreinte personnelle mais seulement de rendre son
éclat au meuble tout en le laissant dans son "jus", de retrouver son
histoire, de conserver la patine du temps. Pas si simple.
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