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19 décembre 2005




Photo © Julien Smati

Boucher, écailler, chocolatier, traiteur... comme à Monaco, on se bat pour entrer dans le club fermé des résidents des Halles et de ses soixante commerces, pas un de plus, distribuant le meilleur des produits de France et de Navarre. Visite épicée.

 

Les Halles c'est tout d'abord une ambiance à croquer. Certes, avec son béton et ses néons, on est loin du paysage de carte postale commun aux petites principautés. Mais une fois les portes du palais poussées on se retrouve dans un univers à part, haut lieu lyonnais, de la « lyonnaiserie » et des courses onéreuses parce qu'issues de l'élite de la production. Un monde parallèle - avec ses intrigues de couloirs, ses dauphins et ses courtisanes - mais qui porte aux nues la grande bouffe, celle que mitonnent les Bocuse et consort. Il y a des clans, des cercles, des histoires d'amour et de fesses. Comme toute nation qui se respecte, la principauté a sa  presse de cœur (vos humbles serviteurs) et ses princesses (dont Olivia qui fait la couverture). Au courant des moindres détails et immuables derrières leurs étals, les duchesses douairières mènent la danse. Impatiente, la jeune génération rêve de prendre le pouvoir mais s'incline devant le travail accompli par les anciens. Car il en a fallu de l'opiniâtreté pour faire venir les visiteurs dans ce quartier sans âme après l'inopportune destruction des anciennes halles des Cordeliers !

 

En périodes de fêtes, on se bouscule aux marches d'un palais que certains arpentent  comme un musée. Ici le Saint Marcellin de la Mère Richard est une œuvre d'art au même titre que la Joconde au Louvres. Enfin presque ! Soixante commerces pas un de plus. On dit la place chère, n'empêche que le livre d'inscriptions affiche complet avec l'arrivée de Bellota, charcutier ibérique renommé qui installe ici un pôle dégustation non loin de Cellerier. On vient de loin, de très loin humer cette atmosphère matinée de Comédia del Arte. Si le Lyonnais moyen fait ses courses en toute hâte, il faut assister à la grand'messe du dimanche. Une cohue sans nom joue des coudes chez Antonin, Merle, Rousseau... Les écaillers gouvernent l'endroit huit mois l'an, les mois en r, de septembre à avril. Le riche, l'entrepreneur, l'artiste, le cultivé, l'élu et le journaleux se croisent, s'entrecroisent, se saluent, se présentent, s'évitent ou se jaugent. Et puis ces commerçants, la dame souvent gentille et serviable, et le monsieur le bagout à la hauteur du gabarit et derrière les jeunots au vocabulaire fleuri. L'un qui minaude l'autre qui braille dans ces étals regorgeant de nourriture. Ah Monsieur Rolle qui réclame une station de Vélo'v à S.A.A. Guy de Thorey, adorable, vicomte accessoirement promu directeur des lieux par la ville. Les stands épicés de Bahadourian qui depuis quelques années est venu avec succès se mêler au gang des métiers de bouche lyonnais.

 

Il faut voir, un groupe de Japonais à la tournure déjantée tout droit sorti d'un manga en état de quasi prosternation devant les monticules de chocolats Sève. La petite dame flanquée du chienchien venu se procurer la quenelle, pardon le cocon hebdomadaire. Et puis les patrons de la night, ces jeunes tenanciers groggy mais hilares qui déboulent de Saint-Jean pour parachever la nuit chez Antonin devant un canon de Macon et quelques coquilles. Une verve qui masque le tombereau d'heures de boulot déjà abattu. Les Halles se réveillent des cinq heures dans une cacophonie de camions, il faut réceptionner, trier, déballer, ranger, découper, monter sans oublier de faire le tri en respectant les ordres de passage, pas question que le fringuant poisson croisent une moitié de charolais complètement nu. Damned, nous sommes aux Halles de Lyon en phase de redressement architectural. Vous allez voir en 2006, ça va la faire, avec immense vitrine verrière sur le cours Lafayette. Prudence, chez Sibilia, le jambon est déjà entièrement découenné, et les belles en manteau de fourrure de traverser l'air de rien le Saint gra'Halles.  

 


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A suivre,
8 décembre 2005


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