Photos © Fabrice Schiff

Par Benjamin Solly

Le sénateur-maire de Lyon accompagnait lundi 13 mai 2013 le ministre de l’Intérieur pour une visite expresse du quartier de la Duchère, objet d’un « Grand Projet de Ville » depuis 2003 et classé en zone de sécurité prioritaire depuis septembre 2012.

Gérard Collomb et Manuel Valls tout sourire à l’instant d’entrer dans la maison de l’Emploi de La Duchère, l’image est trompeuse. Pas que les relations soient délétères entre les deux hommes. Mais la visite du ministre de l’Intérieur aura permis à l’édile lyonnais de rappeler au locataire de la place Beauvau les attentes de la Ville et de la communauté urbaine concernant les projets (co)financés par l’Etat. « Je vais devenir le porte-parole de Lyon auprès de Paris », préfère s’amuser Manuel Valls, peu enclin à polémiquer.

La Duchère a reçu près de 750 millions d’euros de subventions privées et publiques depuis plus de 10 ans. Le projet implique la Ville de Lyon, le Grand Lyon, le Département du Rhône, la Région Rhône-Alpes, l’État, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), l’Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des Chances (l’Acsé), mais également l’Europe. « Sur le long terme, le rééquilibrage urbain est plus important que la question de l’emploi », souligne Valls. « C’est la base », embraye un Collomb professoral.

Pour l’occasion, Gérard Collomb, n’était pas accompagné de son adjoint à l’Urbanisme Gilles Buna. C’est Michel Le Faou, actuel président du bailleur social de la Ville de Lyon (SACVL), qui a pris sa place. L’homme est d’ailleurs pressenti pour reprendre la délégation de Buna si Collomb est réélu à la mairie en mars 2014. Un galop d’essai pour Le Faou, qui a détaillé l’objectif de mixité sociale portée dans le projet urbain.  « Pour comparer avec l’Ile de France… », enchaine alors Collomb. « Ne soyez pas désagréable avec moi M. Le Maire », s’amuse Valls. « Mais tu n’as pas la responsabilité de tout le projet du Grand Paris », lui rétorque, retors, le sénateur-maire.

Le classement du quartier en zone de sécurité prioritaire (ZSP) en septembre 2012 n’avait pas fait l’unanimité à l’époque. En particulier du côté des locaux. « Le terme est stigmatisant  (…) je demande à voir à l’usage », pestait alors Alain Giordano. Le maire du 9e arrondissement s’est fait moins vindicatif à l’instant de saluer le ministre de l’Intérieur lundi matin. Quant à Collomb, si ce dernier n’a pas goûté d’intégrer ces zones-tests, il  ne s’est jamais fait l’écho publiquement de sa colère.

Les piqures de rappel de Collomb et Rivalta sur les financements d’Etat

Côté doléances, c’est Bernard Rivalta qui a joué les comptables de service. Rebondissant sur le réaménagement de l’offre de transports en commun dans le quartier, le président du Sytral a rappelé frontalement au représentant de l’exécutif gouvernemental la pingrerie de l’Etat sur les projets d’infrastructures portés par le syndicat mixte. Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, l’Etat n’avait accordé « que » 20 millions d’euros à l’agglomération sur les 110 millions réclamés. Le premier appel à projet avait fait l’objet d’une subvention de 28 millions d’euros. «  50 millions d’euros de l’Etat contre près de 2,1 milliards d’euros d’investissement du Sytral sur les deux mandats », peste l’élu villeurbannais.

Une occasion en or pour Gérard Collomb de remettre en perspective La Duchère avec un voisinage problématique, celui du tunnel de Fourvière. Notamment sur l’enjeu de la saturation de cet axe où s’engorge l’ensemble des trafics locaux, régionaux, nationaux et européens. «  Si tu vois ton collègue des transports, tu lui dis qu’il passe me voir », glisse Collomb à Valls.  Une pique sur le projet autoroutier du contournement de l’ouest de Lyon (COL), pourtant inscrit au schéma national des infrastructures de transports, qui reste au point mort. Idem pour le financement du volet culturel du « Grand projet de Ville » à La Duchère. «  Si tu croises Filipetti, elle me doit un peu d’argent », ose même un Collomb lancé sur la ministre de la Culture.

Des piques à répétition qui n’ont pas fait ciller un ministre de l’Intérieur plutôt bonne pâte. Manuel Valls a même posé avec deux jeunes du quartier sur son initiative. «  Tu sais qui est ce monsieur ? », interpellons-nous amicalement les deux garçons. « Bah oui, c’est le ministre de Paris », répondent-ils spontanément.  Pas sûr que Collomb l’entende de cette oreille.