Faits
Divers
Yves
Alègre - Le Progrès du jeudi 28 mars 2002
Saint-Jean : un paroissien sans foi, ni loi...
Pendant
un an, le sacristain de la Primatiale Saint-Jean a été racketté par un
garçon sans toit rencontré aux abords du parvis. Peu repentant devant le
tribunal de Lyon, hier, Ludovic a été condamné à trois ans de
prison dont dix-huit mois avec sursis.
La
cour des miracles... Avec la Primatiale Saint-Jean dans le rôle de Notre
Dame de Paris... Pourtant, les déboires vécus pendant plus d´un an par
le sacristain de la cathédrale Saint-Jean ne relevaient guère du
romanesque flamboyant. Ils ont même fini par échouer sur le très prosaïque
terrain judiciaire. Avant d´être évoqués, hier, devant le tribunal
correctionnel de Lyon. Dans les habits du "brigand", le sieur
Ludovic, un garçon de 27 ans qui, avec d´autres sans domicile fixe,
squattait volontiers le parvis de la Primatiale lyonnaise.
Peu
repentant devant ses juges, le drôle de paroissien doit répondre d´un
bien vilain péché. Il est accusé d´avoir, de janvier 2000 à juillet
2001, extorqué des fonds au sacristain de la cathédrale. Un racket qui
se serait élevé, selon l'accusation, à 270 000 francs. Depuis le box
des prévenus, Ludovic, lui, ne consent à avouer un détournement
d'obole qu´à hauteur de 60 000 francs. Bernard, le sacristain dépouillé,
n'est pas venu à l'audience raconter ses malheurs. « Il a
peur » confie son avocate Me Johanne Berger Bonamour. Il
est vrai que l'homme, invalide à 80% et qui se déplace difficilement
à l'aide d'une canne, a subi des violences physiques et verbales ne
l'incitant peut-être pas à être confronté à son
"tourmenteur".
Et
puis, Bernard éprouve un sentiment de trahison. Sa générosité a été
bien mal récompensée. Car, à l'origine, entre le serviteur de Dieu et
le garçon sans toit, tout commence par un geste de charité chrétienne.
La rencontre a lieu en décembre 1999. Ludovic est à la rue. Il a faim et
se confie au sacristain croisé aux abords du parvis de la cathédrale.
Aussitôt, celui-ci lui donnera un peu d´argent pour un vrai repas. Loin
d'imaginer que le faux-frère, en dépit d'un début d'amitié, se révélerait
sans foi, ni loi. Au point de le racketter. D'intimidations en pressions
diverses, le sacristain se verra contraint de remettre régulièrement des
fonds à la brebis égarée. Des sommes variant de 2 000 à 4 000 francs d´une
semaine à l'autre. Un argent que Bernard prélevait sur ses comptes
personnels ou bien sur le produit de la vente des cartes postales à
l'intérieur de la cathédrale, une charge diocésaine qui lui
incombait.
C'est
en juillet 2001 que le sacristain, poussé à bout, ira soulager sa
conscience auprès des policiers. Expliquant alors comment, pendant de
longs mois, il avait été tenu de laisser des enveloppes dans les
bistrots du quartier Saint-Jean. A charge ensuite pour les bistrotiers de
confier les précieuses missives à un certain Florian.
"Florian", c'était le prénom de guerre du racketteur.
Lequel, lorsque les "dons" tardaient un peu trop n'hésitait
pas à rappeler à l'ordre sa victime. En se rendant à son domicile,
par exemple. Ou en agitant des menaces: « Je vais t´envoyer tous
les gars de la Duchère pour te casser la figure » lancera-t-il
un jour.
Les
juges observent que tout cela était parfaitement organisé. L'argent
ainsi détourné du culte ? Il a été dilapidé dans des achats de
voitures et plusieurs séjours sur la Côte d´Azur... L´embarquement
pour Cythère... « Vous saviez que vous aviez affaire à
quelqu'un de faible ? » interroge la présidente du tribunal.
« Pas si faible que ça ! » rétorquera le prévenu.
Devant pareille absence de contrition, le ministère public s'est montré
peu enclin à l'absolution. Sans vouloir la mort du pécheur mais déplorant
l'absence de sentiment de culpabilité, le procureur a réclamé 4 ans
de prison dont un an assorti du sursis contre l'impénitent. Me Yves
Givord, aura beau décrire l'enfance en forme de chemin de croix de
Ludovic, celui-ci a été condamné à 3 ans de prison dont 18 mois
assortis du sursis. Pas de miracle...
|