Est-ce
que vous aviez une petite amie attitrée ?
J'avais
fait la connaissance de Clémentine (ci-contre NDLR) qui est rapidement devenue mon égérie.
Elle étai acheteuse à l'époque pour des magasins parisiens. Pendant
un salon, elle est venue sur mon stand et j'ai complètement craqué.
C'était le coup de foudre. Je lui ai fait découvrir le circuit
lyonnais, les relations, les copains. Elle était venue pour un week-end
et elle est restée dix jours. Par la suite, j'ai fait l'acquisition
d'une boutique rue Émile Zola que je baptise Clémentine. A l'époque,
j'étais créateur pour Christian Josse et je ne pouvais bien sûr pas
l'appeler Max Chaoul. Je voulais que Clémentine reste auprès de moi,
et la seule chose à faire pour la garder, c'était de lui offrir une cage
dorée.
Que
vendiez-vous dans la boutique ?
Des
créateurs parisiens qui démarraient, Thierry Mugler, Montana. On a été
les premiers à monter des corners dans la boutique. La boutique, conçue
par Gilles Humbert, était noire et rose, moquette rouge, très années 50
et le nom Clémentine peint en rose sur la façade noire. C'était une révolution
pour l'époque. Malheureusement, les cré-ations que nous vendions étaient
un peu farfelues et difficiles à vendre. J'ai perdu de l'argent avec
cette affaire. Nous nous sommes disputés Clémentine et moi et la belle a
disparu de la circulation.
Que
se passe-t-il ensuite?
En
1977, je me retrouve avec cette boutique rue Émile Zola à l'enseigne Clémentine
et il fallait mettre quelque chose dedans. Au lieu de partir en vacances,
je me suis décidé à créer une collection de vêtements en soie, des
robes, des blazers pour les femmes lyonnaises. Et Clémentine me rejoint
et devient le porte-drapeau de cette collection griffée à son nom. Pour
faire connaître notre nouvelle marque en France et à l'export, nous éditons
un journal baptisé bien sûr Clémentine. Nous ne parlions pas seulement
de mode mais aussi des artistes, des endroits qu'on aimait. Vu le succès
du journal, nous l'avons ensuite commercialisé à Paris et dans le sud
de la France.
C'était
un Côte Magazine avant l'heure ?
Les
Éditions Côte ont voulu racheter Clémentine en 1982, nous nous ne sommes
pas entendus et quelques temps après est sorti Côte Magazine. C'était
le journal qu'il fallait avoir à l'époque, indiquant les sorties à
ne pas manquer, les restaurants à la mode, des interviews. Bien entendu,
nous ne gagnions pas d'argent avec le journal mais c'était l'image
de la marque. Parallèlement, je quitte Christian Josse pour m'occuper
exclusivement de Clémentine. Nous créons au début des années 1980 la
marque Clémetine Passion destinée à habiller les filles de nos clientes
que nous installons dans une boutique rue du Plat. Les mamans
s'habillaient chez Clémentine Couture et leurs filles portaient du Clémentine
Passion.
La
marque reste-t-elle strictement lyonnaise ?
Non,
nous créons une franchise et ouvrons une douzaine de boutiques en
franchise. Le chiffre d'affaires avoisine alors la vingtaine de millions
de francs. Nous développons à la fin des années 80 un concept global,
nos boutiques commercialisant aussi bien du prêt-à-porter, des
accessoires, des chaussures que des tee-shirts. En 1990, nous songeons à
nous développer sur l'Europe et pour ce faire, nous faisons appel à un
financier bien connu à Lyon, notre ami Jean-Michel Aulas. Nous nous
sommes associés, ce qui a eu pour effet le départ de clémentine qui ne
voulait pas de cette association. Nous étions déjà depuis une vingtaine
d'années ensemble et nos rapports s'étaient quelque peu tendus.
Qu'apporte
Jean Michel Aulas dans la corbeille de votre mariage ?
Il
a envie au départ d'apporter un nouveau souffle à l'entreprise
qu'il veut développer. A l'époque, il était déjà patron de l'OL.
Le
mariage a mal tourné, que s'est-il passé ?
Une
fois qu'on a démarré ensemble, j'ai ressenti un peu de défiance de
sa part. Tout en me faisant confiance, il était quelque peu méfiant. Je
souhaitais profiter de son arrivée pour faire des collections plus
importantes mais j'étais constamment freiné par son contrôle de
gestion qui me reprochait de trop dépenser. Un jour il était d'accord,
le lendemain, il ne l'était plus ... Bref, c'était très difficile
à gérer. Là dessus est arrivée la Guerre du Golfe qui a brisé notre
élan en particulier et le business en général. J.M. Aulas est de plus
en plus frileux, très regardant sur tout ce que je fais. Il prenait des décisions
avec son équipe et me laissait le plus souvent sur le côté. En 1993,
cela ne se passait pas très bien. JMA me dit que nous perdions de
l'argent, c'est difficile de vous en parler car je suis toujours en
procès avec le syndic.
Pour
résumer, l'affaire est liquidée en 1993 ...
Oui,
l'affaire s'arrête en 1993 alors que la collection était terminée,
les modèles étaient créés. Je me retrouve une main devant, une main
derrière. En tant qu'associé et travailleur indépendant, je me suis
retrouvé sans argent.
C'est
la traversée du désert qui commence ?
J'ai
perdu mon identité, ça a été très dur. Alors qu'à l'époque,
j'étais au sommet. Lyon est une ville extraordinaire, très
reconnaissante mais en même temps très dure. Tout le monde savait que ça
allait se passer comme ça. Dans sa vie, il ne faut pas avoir d'échec.
Vos
amis vous ont-ils lâché à l'époque ?
Je
pense que des amis, il aurait pu il y en avoir plus mais quand t'es mal,
tu n'as pas envie d'en avoir. Je ne voulais avoir personne autour de
moi parce que j'avais la honte.
Comment
se passe le retour aux affaires de Max Chaoul ?
Ca
a été très dur pendant les premiers mois d'après rupture sans savoir
ce que j'allais faire. Mais j'ai eu la chance de garder auprès de moi
des gens, des clientes qui croyaient en moi et comme j'avais besoin de
survivre, j'ai commencé à recréer des collections en free-lance pour
des entreprises françaises de prêt-à-porter. Cela m'a permis de payer
mes petits papiers bleus qui arrivaient tous les matins, de manger, de
payer mon loyer ... Je remercie toutes ces entreprises qui m'ont redonné
confiance. Il se trouve que les collections ont eu du succès dans le même
temps, des clientes m'ont demandé de confectionner les robes de mariées
de leurs filles. J'ai fait ma première robe avec l'aide d'anciennes
couturières de Clémentine. Très vite le bouche-à-oreille à fait son
effet.
De
la première robe de mariée, comment êtes-vous arrivé à la boutique
Max Chaoul ?
J'ai
reçu mes premières clientes dans mon petit atelier où il faisait 40°C,
et j'ai vu que ça mordait, il y avait une véritable demande pour la
robe de mariée. En 1995, j'ai eu alors l'idée de créer une boutique
en appartement. Ne pouvant utiliser le nom Clémentine pour des raisons
judiciaires, j'appelle ma boutique Max Chaoul. La première année, nous
sortons une centaine de robes et je pars à Paris présenter ma collection
au Salon de la Porte de Versailles.
En
1996, vous fabriquez 100 robes. An l'an 2000, c'est près de 2500
robes qui sortent de vos ateliers. La contrepartie c'est que vous êtes
moins présent dans vos magasins lyonnais et c'est le reproche que
l'on entend le plus à votre sujet.
Si
je voyage aujourd'hui dans le monde entier, c'est pour que Max Chaoul
devienne une institution internationale. J'ai commencé à Lyon et je
n'abandonnerai jamais Lyon. Ma préférence est réellement pour mes
clientes lyonnaises. Même si on ne me voit pas, j'ai toujours un regard
sur tout ce qu'il se passe dans la boutique et dans l'atelier.
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