Ensuite à l'indépendance de la Tunisie, toute la famille est rentrée ?
Non.
Comment cela s'est-il passé pour vous ?
Je fais partie de ceux qui revendiquent que les Tunisiens n'ont pas
le droit de dire qu'ils sont pieds-noirs parce qu'il n'y pas eu de drame
comme en Algérie, moi je ne suis pas de ceux qui disent : « J'ai tout
laissé ! » On avait rien, on avait pas grand-chose à laisser, mais ça
s'est passé sans drame. Je suis venu à Montpellier, enfin j'ai fait suivre
mon dossier à Montpellier pour faire médecine. A ce moment là, en
revanche, ce qui est vrai c'est que le fait que la Tunisie soit devenue
indépendante, beaucoup de non-tunisiens, non-musulmans, sont partis, parce
que vous savez qu'en Tunisie il y avait plusieurs communautés... Je n'ai
qu'une sur. Mes parents vivaient, compte tenu des avatars de la vie,
comme moi, chez ma sur et mon beau-frère et mes neveux. Je suis parti,
j'ai quitté la Tunisie pour la France, tout seul.
En quelle année ?
Le 21 septembre 1961. Tous mes copains étaient allés à Montpellier,
je me suis dit je vais faire comme mes potes, donc je suis allé à la
faculté de Montpellier et, compte tenu des problèmes familiaux, il fallait
que je travaille un petit peu en faisant mes études. J'ai dû rester un
mois et puis j'ai fait transférer mon dossier à Paris, à la faculté de
médecine et là j'ai commencé à travailler dans la pub, chez mon ami,
maître, grand-frère, Francis Borelli.
Vous commercialisiez des espaces publicitaires dans des supports divers et
variés (annuaire des pompiers)... réputés pour être des pièges à pub.
Francis Borelli avait eu ce génie. Tous
ces trucs là existaient avant lui. Il y avait en général deux petites
publicités du voisin du coin à qui on ne pouvait pas dire non et ainsi de
suite et Francis Borelli a d'abord profité de l'arrivée de la vague des
pieds noirs et des gens d'Afrique du Nord en général, il s'était trouvé à
la tête de cent vingt ou cent cinquante commerciaux et comme il était un
meneur d'hommes fabuleux, il avait multiplié les supports ; il avait deux
cent supports et douze agences et un monde fou. Au début, c'était des
ramasse-pubs mais ce n'était pas du tout de l'arnaque ; c'est après lui
que ça l'est devenu.
Vous êtes arrivé en 1963 à Lyon, c'est ça ?
Je suis arrivé en 1963 à Lyon, comme
responsable de l'agence de Francis Borelli, pendant trois ans. j'ai repris
des activités complètement à mon compte en 1968, fin 1967, début 1968. La
quatrième année, comme Lyon ne les intéressait plus et que nous attendions
notre deuxième enfant, deuxième fille, j'ai racheté lagence que j'ai
transformée en SEDIP parce que je préférais
que le nom ne soit pas le même. J'ai commencé à faire des supports divers
mais un peu plus officiels c'est-à-dire que j'ai démarché les mairies pour
faire des bulletins municipaux et c'est vrai que SEDIP s'est développé
assez vite.
Quelles sont les personnes qui vous ont mis le pied à l'étrier à Lyon ?
J'essaye de ne pas être ingrat mais je
n'ai pas le souvenir que quelqu'un m'ait aidé. Je suis arrivé à Lyon tout
seul, je me suis marié un an après et j'ai démarché à la dure. J'ai un
souvenir particulier : j'ai dû faire le siège de Monsieur Pradel pendant
huit, neuf ans et puis un beau jour j'ai réussi, ça a été ça le vrai
départ quand j'ai réussi à vendre au maire de Lyon l'idée d'un journal. Je
me souviens du premier journal, il était tout en noir.
Comment s'appelait-il ?
Il s'appelait « Vivre à Lyon ». J'avais
trouvé le titre et j'ai présenté la première maquette à Charles Béraudier,
l'homme fort de cette région depuis la
Libération. C'étai un homme que j'aimais vraiment beaucoup. J'avais plutôt
une relation familiale avec lui. Je le tutoyais tout en le respectant
beaucoup. J'apporte mon journal et il me dit « Dis donc petit, c'est
quoi « Vivre à Lyon » ? Ca ressemble à « Crever à Vénissieux », il faut
quand même mettre une couleur » « Mais le maire ne veut pas » « Mets au
moins une couleur dans le titre ». Je mets donc une couleur dans le
titre et le premier numéro qui devait sortir avec de la couleur, en
quadri, il est sorti la veille de la mort de Monsieur Pradel. Ensuite la
communication est rentrée dans les murs.
Suite de l'interview
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