A combien se montent vos revenus mensuels ?
Je vais vous dire ça en euros. Je perçois 22.500 euros par mois.
Etes-vous assujetti à l'ISF ?
Oui.
Vous êtes devenu très riche.
Je ne suis pas très riche ! On peut dire
que je suis aisé.
Est-ce que vous avez participé au pillage du coffre de Charles Béraudier à
l'Hôtel de Ville après sa mort ?
(silence)... Je n'est été présent à
aucune des opérations qui, dit-on, se sont déroulées ce soir là. Beaucoup
de choses on couru. Par exemple que le matin de la mort de Charles
Béraudier, un des collaborateurs les plus proche du maire et le préfet de
police de l'époque sont allés quérir les clefs de son bureau. Que s'est-il
passé après ? Le soir, il y a eu beaucoup de visiteurs. Je vais vous faire
une confidence mais je n'en dirai pas d'avantage parce que les choses se
diront plus tard. Ce jour là, je pouvais devenir maire de Lyon. Ce soir
là. Je ne l'ai pas fait. Est ce qu'il faut le regretter ? Non. Mes mains
peuvent être passées sous l'eau, elles sont blanches...
Suspense, donc ! C'est votre épouse qui tient les cordons de la bourse avenue Foch...
C'était. Parce qu'elle a pris sa retraite le 31 mars dernier. Elle
s'occupait de l'administration et des finances de la maison. C'est une
vieille tradition dans le milieu ouvrier et je me revendique comme
originaire du milieu ouvrier. Chez les ouvriers, ce sont les femmes qui
tiennent la caisse. Enfin, c'était pour empêcher les types d'aller au
café et de dépenser l'argent de la famille ! Non mais elle travaillait
elle avait cette fonction qui était une fonction extrêmement exigeante, ce
n'est plus vrai depuis le 1er avril.
Et à la maison...
Alors à la maison, je vais vous faire une confidence, je ne signe
jamais le moindre chèque. Jamais. Elle continue de tenir les comptes...
Rien, je garde la tradition.
Mais c'est vous qui avez les cartes de crédit dont une belle « American
Express » que l'on a vue tout à l'heure ! Est-ce que vous êtes un
flambeur ? Que faites-vous de votre argent ?
Attendez, plusieurs choses. D'abord, si j'avais été flambeur, je crois
que j'aurais fait une carrière politique. Beaucoup d'amis disent : « Mais
enfin, tu à fait une belle carrière, tu à été élu 31 ans, tu à été
parlementaire européen, tu à fait ceci, tu passé dans beaucoup d'assemblé...
» Ce n'est pas une carrière ça, c'est à la portée du premier venu. On
parlera peut être de François Mitterrand tout à l'heure, mais je crois
très franchement que si j'avais été joueur, alors oui, j'aurais fait autre
chose.
Vous avez plusieurs vies. Aussi fournies que désordonnées...
Pas désordonnées !
...on va démarrer par votre vie d'avocat. En interrogeant vos proches, deux
mots reviennent le plus souvent pour vous qualifier dans votre job :
brillant mais pas travailleur !
Alors là, le premier propos qui se veut élogieux, est une critique et le
second est une erreur. Je suis comme tous les faux dilettantes, comme l'a
été mon maître Joannes Ambre, qui m'a amené littéralement au barreau et
qui donnait l'impression d'une facilité déconcertante. Hors si on possède
beaucoup de facilité, on donne l'impression que les choses se font
aisément. Tenez, une anecdote : Un jour, Pierre Vallon, qui a été sénateur
du Rhône, conseiller municipal et adjoint, dit dans une réunion : « André,
veux-tu rédiger le communiqué ? » Je dis : « Pourquoi moi ? »
Il me dit : « Mais ça, tu le fais facilement, ça vient tout seul sous
la plume. » Je dis : « Non, je travaille ! » Donc non, je suis
un très gros travailleur au contraire, mais je le cache.
C'est Maître Joannes Ambre qui vous met le pied à l'étrier. Depuis vous
êtes devenu un avocat d'affaires réputé. Est-ce grâce à votre talent...
Un mot sur Ambre, parce que la rencontre avec Ambre est extraordinaire.
J'étais au Parti Radical à l'époque parce que j'était jeune mendésiste.
J'avais 23 ans et je venais de déposer une motion dans la fédération du
Rhône ou il y avait le maire de Lyon, Louis Pradel et ma motion avait
obtenu 45% des voix. A la sortie, un type m'arrête et me dit : « Mais
qui êtes vous ? » Je lui réponds avec la sottise de la jeunesse : « Mais
qu'est-ce que ça peut vous faire ? » Et lui me dit : « Je m'appelle
Joannes Ambre. » Je lui dis : « Ah, vous êtes le grand avocat
lyonnais, etc... Je suis très heureux de vous saluer. » Et là, je lui
raconte que Pierre Mendés France me propose de devenir avocat et d'aller
éventuellement à Evreux, son département. Et Ambre me dit : « Non mais
attendez, vous êtes lyonnais, il faut venir au barreau ! » Et je lui
répond : « Oui, mais je ne connais personne. » Et là, il me répond
avec la réponse la plus belle qui soit, il m'a dit : « Si, moi ! »
Et je partais quelques semaines après pour l'armée et il m'a dit : « Quand
vous rentrez, vous rentrez chez moi ! » Et j'ai une piété filiale pour
Ambre tout à fait extraordinaire. Simplement, il aurait voulu que nous
nous associons plus tard et j'ai refusé, parce que je crois que l'on ne
peut pas mettre, selon le très beau proverbe moyen-oriental, deux épées
dans le même foureau.
A propos d'épée, vos amitiés maçonniques vous ont-elles servi ?
Non, pas du tout. Mais pas du tout, je suis probablement l'un des plus
anciens maçons de Lyon puisque je suis maçon depuis 46 ans. Dans 4 ans il
y aura 50 années de maçonnerie. Mais je ne donne pas de leçons, je ne
l'invoque pas comme un brevet, je ne le porte pas comme une décoration, je
ne dois rien du point de vue clientèle et du point de vue activité à la
maçonnerie. Mais tout ce que l'on a raconté sur...
Pourtant c'est quelque chose de récurent...
Certains en ont profité sans doute. C'est vrai qu'il y avait des
réseaux, des fraternelles, les architectes, les experts comptables, les
ceci cela... Moi, je n'ai jamais emprunté ces voies. Et je vais vous dire,
je vous ai donné des clefs comme ça, la clef de mes origines, mon refus de
m'associer avec Joannes Ambre. Peut être un jour mon départ d'avec
François Mitterrand, pour lequel j'éprouve toujours des sentiments très
profonds. Je suis d'une indépendance jalouse. Probablement suis-je un
minoritaire éternel et j'aime dans l'histoire les gens isolés. José Bové
m'inspire de la sympathie même si je ne crois pas du tout à ce qu'il dit.
Il est à peu près impossible, homme ou femme, quelque soit son talent,
quelque soit sa séduction, de me mettre la main dessus. Voilà, c'est comme
ça.
Suite de l'interview
|