Par Philippe Dibilio

Bernard Tabary est le directeur général de la société Keolis qui gère la concession des Transports en Commun Lyonnais, il y a un an environ il décidait de remettre à plat tous les accords sociaux de l'entreprise.

Cette décision, lourde de conséquences, il l'a prise seul, sans la moindre approche des salariés et pire des syndicats qui se sont vus un matin « invités » à ouvrir le bal des négociations. Dès lors la remise à plat fût vécue comme une remise en cause et la tempête, qu'un bon marin eut sans doute évitée s'est levée. Depuis les négociations piétinent et les grèves fleurissent, les usagers en pâtissent, les candidats au bac en ont tremblé. Grève de la faim d'un agent, arrêt de travail de 55 minutes au hasard des jours et le 15 juin blocage de trois lignes de tramway pendant une demi-journée, la situation se tend. Mais rien n'arrête M. Tabary qui a convoqué la presse à la suite de ce dernier bras de fer pour déclarer ce blocage inadmissible et constater qu'en ce moment il ne peut pas parler de paix sociale. Qu'importe, le directeur maintient la présentation de sa réorganisation sociale aux syndicats ce lundi. Décidément il aime naviguer dans la tempête. « Un accord négocié serait évidemment meilleur » précise-t-il avec ironie « mais si personne ne signe, Kéolis appliquera le dispositif de façon unilatérale » une phrase dont la conséquence sera évidente et jettera dans le camp des opposants jusqu'au dernier des salariés.

Cette fois c'est un gros grain qu'il déclenche. A Lyon, en effet, on connaît la capacité de mobilisation et d'action du personnel des TCL et on sait ce qu'une grève dure veut dire dans ce secteur mais en bon parisien M. Tabary veut ignorer tout ça. Cette attitude d'une rare rigidité surprend de la part d'un cadre d'une société filiale de la SNCF, laquelle dispense une image sociale plus apaisée et dont le PDG Guillaume Pepy et la nouvelle directrice régionale Josiane Beaud sont plutôt des négociateurs aussi habiles que loyaux. Et on comprend moins encore cette stratégie de la rigueur au moment où la relance de l'appel d'offre pour le renouvellement de la concession est engagée par l'autorité organisatrice des transports en communs de l'agglomération, le Sytral. Il n'est pas sûr, en effet, que le cumul de plusieurs semaines de grève soit le meilleur atout pour le gestionnaire sortant face aux deux autres concurrents qui se sont manifestés. Certes, la presse économique bruisse de la rumeur d'un rapprochement capitalistique entre les trois sociétés concernées mais alors c'est l'appel d'offres lui même qui pourrait être remis en cause faute de concurrents. Bref, il aurait mieux valu que M. Tabary soit aussi bon navigateur qu'Eric Tabarly le fût mais ce n'est pas le cas et la tempête risque d'enfler au point de l'emporter.