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TRIBUNE LIBRE A ALAIN VOLERIN
Gégé patron de presse...
Un conseil à Dominique Perben. Ne sous-estimez
jamais notre Gégé, vous feriez une grave erreur.
Gégé, sa presse, il la connaît. Juste avant le
conseil municipal, il la reçoit à déjeuner et
lui donne (à manger) les messages qu'il veut
colporter. Rien d'autre. Et comme, il se
délecte...
Mesdames, messieurs, installez-vous. On se presse autour de
la table. Séducteur : On peut faire... Oui !
Tenez, une femme à ma gauche et une autre à ma
droite... Il s'y connaît Gégé en femmes, et en
journalistes. A sa droite, c'est Sophie
Pantin du de l'Immonde qui se pose.
Elle ne parle pas. Elle sait pas. Elle aboie, en
broutant l'air méchamment. C'est une mâchoire,
cet être-là. Toute une dentition arrogante qui
laisse à peine passer les questions avant de se
refermer dans un claquement bref et sec. De
l'autre côté, Catherine Lagrange a pris
place, elle représente le Parisien.
Blonde, elle est déjà plus classieuse, bien que
l'âge menace de ses stigmates. Je m'installe à
côté de Sophie, et au cur d'un panel d'hommes
de presse et de gauche : Libé, le
Progrès, TLM, l'Agence France
Presse, M6. Un grand absent : Lyon
Capitale.
Gégé sourit. Il s'installe dans son personnage. Il domine
son affaire. Il sait que cet aréopage est
inoffensif, conquis, sans danger. Le Gégé, il
aime ça. Le genre de situation qu'il
affectionne. Alors, quel sujet, souhaitez-vous
aborder ? Réponse des deux consurs : les
élections ! J'veux pas l'croire. On parle jamais
des élections. C'est comme çà qu'on espère les
gagner, quand on a rien à proposer aux
électeurs. « Parlons des élections ! »
qu'il dit le Gégé , sourire élargi et narines
frémissantes. Les régionales ? Les cantonales ?
La présence de Géraldine Gacon dans le 6ème.
Gégé, il se régale. Ces journalistes béats qui
boivent ses paroles. Pensez-vous. Mais, bien
entendu. Tout va bien. Les cantonales en face de
Perben, c'est perdu d'avance. Mais, quel
bonheur ! Quelle fête ! Les cantonales ? Mais
qui connaît son conseiller général ? Dans le 9ème.
« Vous le connaissez-vous, Sophie, le
conseiller de Vaise ? » Quelle bâche ! Pas
un bec ouvert. Le mutisme honteux. La Sophie
lambine. Elle en pique un fard. Depuis près de
vingt ans. Une spécialiste. Elle est recalée.
Elle se triture la poire. Elle souffre. Gégé
patiente.
« C'est Marc Feuillet ! »
dit Gégé, et il sourit. Oh ! le Feuillet, comme
il est inconnu. Pas comme Millon.
L'inoubliable Millon. L'éternel épouvantail. « Que
croyez-vous ? qu'il dit Gégé. Aux
municipales, Millon sera toujours là. Il
négociera encore. » Ah ! le Millon comme il
est moche. Les journaleux, ça les débecte. « Et
Perben ! qu'il reprend Gégé, drôle de
façon de faire la justice en France. » Gégé
surprend. On le sent chaud, son sang
ébullitionne. Il attaque. Il dénonce la mise en
place de la loi Perben 2 qui servira selon lui à
blanchir les amis du garde des Sceaux,
actuellement inculpés dans des affaires pas
propres. La Sophie clampine prenait des notes.
Mais je crois pas que vous lirez cette info dans
le Monde.
Gégé, c'est un monomaniaque. Il a fait le compte de ses
ennemis. Et il les flingue, l'un après l'autre.
Millon, Perben, et maintenant, Michel Mercier
qu'il ne cite jamais. Le Conseil Général a
décidé de ne plus verser de subventions à l'OL.
A la place, il achète deux écrans géants : 110
000 . On en fait quoi ? C'est qu'il en a, quand
il en faut de l'autorité, notre Gégé. La
querelle menace d'enfler dans les jours
prochains. Qui a dit que Gégé faisait que dans
la poudre aux yeux ? Il vient de passer la
subvention de l'équipe de foot de Montchat de 3
000 à 24 000 . Tiens, on s'approche de la
banlieue, là où ça chauffe. Mais Gégé lui, il
est jouasse. Il veut voir rien. Les quartiers
chauds ? Non ! Y'en a pas ! Des voitures
brûlées ? C'est la droite, et l'extrême droite
qui payent des voyous pour rallumer le débat sur
l'insécurité. Le Libéré s'enflamme : « C'est
vrai ça, m'sieur Gégé, qu'il s'exclame. C'est
vrai ! J'lai écrit, m'sieur Gégé. » Ah !
j'en apprends des trucs. Je regrette pas d'être
venu.
Gégé s'assombrit. Il s'introspecte. Il devient
prophétique. Le niveau de vie en France va
baisser considérablement. Autour de la table,
les plumitifs étouffent. C'est trop. Comme, il
l'a bien dit le Gégé. Il continue. Aujourd'hui,
personne ne contrôle plus rien, à part les
Américains. Je tremblotte, c'est la description
de l'Apocalypse. Comme il l'a bien fait, Gégé,
l'Apocalypse. Il persévère. « Les mafias se
greffent là-dessus » qu'il souligne d'un
large geste de la main. Comme pour rafler la
mise. Pas pour rien qu'il a soutenu
l'installation du Casino à la Cité
Internationale. Le jeu, il aime ça. Je grelotte
d'effroi.
Plus loin encore qu'il va Gégé. Les Chinois qu'il balance
le Gégé. Les Chinois... Non ! pas les Chinois. « T'es
fou Gégé » qu'j'ai envie d'lui crier, avec
la Fondation Ullens, les cantonnais viennent de
filer 650 000 au musée d'art contemporain pour
la grande expo du mois de mai. Péremptoire, il
conclut Gégé. Les chinois, si on trouve pas les
solutions dans les quinze ans à venir, on aura
des problèmes. Y'aura plus rien à faire. Tout le
monde est tendu. Gégé regarde son petit univers
dans les yeux. Il lâche, suave. C'est à cela que
servent nos colloques des partis de gauche
européens. Un plumitif ose une question. M'sieur
Gégé, à Londres, la semaine dernière vous étiez
avec Tony Blair ? « Oui ! bien sûr pour le
colloque. C'est-à-dire, non. Tony était pris. On
l'a pas vu. »
Gégé s'intéresse à tout, comme Chirac, il en connaît un
bout sur la politique extérieure. Il rentre de
Jérusalem où il a essayé de mesurer le mur de la
honte en construction. Avec ses potes, ils ont
recruté des géographes, des cerveaux de Paris (à
Lyon, y'a qu'des cons ?). L'affaire est en
train. Les mecs mesurent. C'est pas rien. C'est
pas des shadocks. Gégé, c'est un passionné. Il
est comme çà. Il tient pas en place. Mais ne le
sous-estimez pas. Gégé, c'est l'vrai patron de
la gauche à Lyon. Etienne Tête lui aurait
promis l'union pour les municipales. Dommage que
Tête casse tous ses jouets. Au Grand Lyon, Tête
voulait un adjoint. Gégé était pas d'accord.
Finalement, il font un deal et Gégé lui en donne
un. Et voilà que Tête le pousse à la démission.
Comme c'est compliqué, la politique. Mais
attention, avec son expérience, Gégé quand c'est
compliqué, il se régale. Il le sait. Tout est
possible. Tous les coups sont permis. Gégé a le
sourire. La vie est belle à Lyon, quand on est
maire, socialiste, et que les journalistes sont
lisses comme des quenelles. Gégé aime la provoc.
Il part en appelant de ses vux une grande
presse régionale pour une grande ville
internationale. Ah ! mon Gégé, comme t'es
intelligent. C'est comme ça qu'on t'aime... Il a
pas encore gagné le Perben !...
Alain Vollerin, le 1er mars 2004
A
suivre, Prévention ou tirelires : c'est
vous qui le dites !
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