Jean-Paul Mauduy,
intime
Photos © Christelle
Viviant
Par Marc Polisson
Côté ville, Jean-Paul
Mauduy dirige d'une main de fer la Chambre Régionale de Commerce et d'Industrie.
Côté jardin, cet amoureux de la Dombes se révèle en grand-père amoureux de la
nature et des siens. Reportage exclusif chez un gentleman-farmer insoupçonné.
Après avoir quitté la départementale, la Jeep Cherokee
s'enfonce dans une steppe verdoyante et intemporelle. Slalomant entre les
ornières gorgées d'eau, Jean-Paul Mauduy enclenche le différentiel au
moment des franchissements de digues. Propulsant ses occupants contre les
vitres. Ça tombe bien, il y a du spectacle. « Je vous emmène dans un vrai
paradis ! » nous confirme-t-il, gourmand, en pilotant son 4X4 d'une main
assurée. En chemin, monsieur le Président peste contre la sécheresse et les
citadins pollueurs. Sis en Dombes, le paradis en question est constitué de
plusieurs étangs jumeaux où nichent des dizaines d'espèces que notre naturaliste
méconnu se fait un plaisir de détailler par le menu au fur et à mesure qu'elles
apparaissent dans notre viseur (de jumelles, bien sûr !) Les fusils sont restés
accrochés au râtelier car le président a bien senti que la chasse, ce n'était
pas vraiment mon truc. Et de voler au secours des chasseurs, fustigeant
allègrement les e(scro)colo. Au passage Michel Delpech se prend une volée
de plomb dans l'aile : « les canards montent dans les nuages pas les
perdreaux ! » Et d'un dicton, un : « Vous confondez sensibilité et
sensiblerie ! » m'assène-t-il, coupable je suis d'avoir intercédé pour
toutes ces petites bêtes, plus gracieuses sur fond de ciel qu'au fond d'une
gibecière. « Les chasseurs sont les vrais connaisseurs de la nature qu'ils
entretiennent avec passion » (les deux termes s'assemblent-ils ?) Et
de faire, avec fougue, montre de ses talents d'ornithologue. A l'issue du
safari, nous nous révélons incollables sur le héron (pourpre ou cendré), la
palombe, le col vert, le canard milouin, les chipeaux (rien à voir avec ceux du
barbecue), le grèbe huppé, le cygne « qui propage la grippe aviaire » et
la huppe « véritable pierre précieuse ! » d'autant qu'il se double d'un
botaniste hors pair : renoncules d'eau, tifas, roseaux... nous révisons avec joie
nos herbiers d'enfant.
Depuis 40 ans, le président de la Chambre Régionale de
Commerce et d'Industrie et son épouse sont tombés amoureux de la Dombes, tout en
l'étant plus que jamais l'un de l'autre : « On était à l'école ensemble ! »
précise Betty. A la Pentecôte, ils ont fêté les 50 ans de présentation à
leurs parents respectifs. Leur nid baptisé « La Dombière » est une grande
bâtisse entièrement restaurée. « Quand on l'a achetée, ce n'était pas la même
musique ! » Débarquant de son Périgord natal en 1967, Jean-Paul - ancien OS
qui a gravi les échelons jusqu'à devenir ingénieur - est alors employé à la
construction du barrage de Pierre-Bénite. S'échappant de Lyon l'espace d'un
week-end avec Louis Massot, il découvre la Dombes : « Je veux vivre
ici ! » s'exclame-t-il. Et d'acquérir dans la foulée une petite ferme en
ruines « 5240 F, frais de notaire compris ». Le domaine comprend
aujourd'hui plusieurs bois et étangs répartis sur 300 hectares que Jean-Paul
parcourt au volant de son tracteur, un MF 168, précieux allié pour l'élagage des
chemins. La bâtisse est peuplée de trophées, d'oiseaux naturalisés, de tableaux
(de chasse) et de grenouilles en porcelaine (les vraies sont en concert tous les
soirs). Les pièces s'emboitent au fur et à mesure de l'agrandissement de la
maison. Elle enchante les nombreux fans de la cuisine de Betty qui régale leurs
nombreux amis. Sur la route du retour, escale improvisée chez son fils Fabien
(43 ans) qui a niché sa tribu (son épouse Mélanie, notaire et leurs trois
enfants, Clémence, 13 ans, Antonin, 11 ans et Eugénie, 7
ans dans une ferme joliment restaurée. Séance photo sous le regard intrigué de
Mirabelle, une jeune ânesse de 3 ans et des petites chèvres qui lui
tiennent compagnie. Laurent, son second fils (marié à la sur de
Bernard Lacombe) crèche quant à lui sur les bords de Saône avec leurs
rejetons Caroline et Pierre. L'apéro est l'occasion rêvée
d'interroger le fils aîné sur ses relations avec le paternel : « On ne peut
pas avoir travaillé 15 ans ensemble et avoir les relations qu'on a si on n'avait
pas un père génial ! »
Créé de
toutes pièces en 1970, le groupe MG, tuyauteur et ensemblier industriel,
également spécialisé dans les maquettes industrielles et le traitement de l'eau
compte aujourd'hui 350 collaborateurs. « Il a toujours été présent auprès de
nous. Il a su ne plus l'être au moment opportun ». Fabien et son frère sont
désormais à la tête du groupe, leur papa restant membre du comité d'orientation,
ce qui lui laisse tout le temps de s'occuper de la CRCI après deux ans et demi
de règne hyperactif au Palais de la Bourse. En deux ans, Jean-Paul Mauduy s'est
attelé à régler les grands équilibres financiers de la Chambre consulaire. Des
musées à l'EM Lyon, en passant par la recapitalisation d'Eurexpo, le
déménagement du marché gare ou encore la privatisation de l'aéroport, tout y est
passé ! Ce que confirme Nicolas Farrer, directeur général du Medef : « Quand
il s'attaque à un dossier, il ne fait pas semblant ! » Quand on le voit
parler à ses petits enfants, on ne peut s'empêcher d'évoquer la dichotomie entre
sa vie privée et son image de patron intransigeant et sévère. A l'évocation de
ce trait de caractère, son épouse ne peut s'empêcher de pester contre cette
réputation injustifiée. « C'est le plus honnête des hommes et le plus tendre
des grands-pères ! » doublé d'un humaniste. Après avoir connu un parcours
sans faute tant sur le plan professionnel que syndical, Jean-Paul Mauduy
profite-t-il enfin de son paradis dombiste ? Que nenni ! Après avoir laissé les
rênes de la CCI de Lyon entre les mains de Guy Mathiolon, pour qui il
éprouve « de l'estime et de l'amitié », il a rempilé à la présidence de
la CRCI. Cette structure qui regroupe les 12 Chambres de Commerce de la Région
Rhône-Alpes est un lieu d'échange où les CCI viennent travailler ensemble pour
éviter les doublons. « Christian Gauduel a créé la maison
commune, Jean-Paul Mauduy l'habite vraiment ! » résume un connaisseur du
dossier. « Il est sans arrêt sur les dossiers et veut faire progresser le
réseau ! » Au menu, la formation, l'international, l'innovation... de quoi
occuper pleinement ses journées. Et c'est tant mieux : pendant ce temps, les
canards de ses étangs peuvent palmer en paix.
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