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16 janvier 2006

 

 L'antre du Viking


 Photos © Jean-Luc Mège

 

Par Nadine Fageol

 

Jean Louis Manoa, restaurateur blond furieusement émancipé, ne fait que ce qu'il veut, adore ses copains acteurs et mitonne des dîners endiablés dans sa maison blindée. Son regard bleu glacier un rien goguenard et sa tignasse blonde échevelée lui valent son surnom de Viking. Mérité.

 

Habillé d'une peau de bête, le bonhomme serait bien capable de vous faire trois épisodes de « L'adaptation du Viking en terres lyonnaises». Manoa est un personnage options grande et fine gueules. Il a trouvé abri dans une maison de maître en bord de Saône à Fontaine à la croisée de ses chemins professionnels, Les Planches et la rue Mercière. Une maison comme on aime, au parc hélas rabougri en jardin faute à l'emprise immobilière, spacieuse du début du XXe siècle à ceci près qu'elle fut l'atelier d'un artisan joaillier. Portes et fenêtres archi-blindées et s'il égare les clés, il n'aura plus qu'à raconter « comment j'ai creusé un tunnel dans ma cave pleine de barriques sans déboucher dans la Saône ». Pour aller récupérer Albert le chat, parti se nettoyer les pattes après une visite dans la cocotte du coq au vin, il faut tourner une longue clef dans une porte monumentale. Un autre monde, plein de bonne humeur, limite foldingue, les invités se relaient pour gribouiller leurs émotions dans les toilettes. Uniquement. Un vieil adage déclare, « tel chien, tel maître », la maison de Manoa est à l'unisson ; classique elle a dévié bobo baroque.

 

Il a besoin d'espace; enfant, Manoa a été élevé au grand air chez un père restaurateur à Villié Morgon. Élevé à la dure,  tout petit, il  tombe non pas dans la marmite « mais dans la plonge ». De quoi vous refiler une allergie au vaisselier. Certificat d'études en poche, il taille la route, « je ne sais pas si c'est la famille qui était insupportable ou moi ». Huit mois d'apprentissage en pâtisserie pour convenir que « les gâteaux, ça ne me plaisait pas du tout ». Bis repetita dans les cuisines de la mère André à Tassin cette fois et CAP validé dans un amphithéâtre sis dans l'actuelle maternelle place des Jacobins. C'est mieux, seulement le loustic qui ne manque pas d'air se définit comme « feignant brillant » avec pour heureuse conséquence que sa vie sera « une éternelle récréation ». Et Manoa d'écarter allègrement l'étape « resto gastro avec médailles et lauriers» pour poser ses guêtres et sa verve rue Mercière.



 

Dans son tripot hors mode avec traboule, il mitonne de la lyonnaiserie plus ou moins évoluée quand ça lui chante, un jour bourru, le lendemain hilare. Berry, Reno, Garcia, Diefenthal, Timsit... le monde du cinéma en fait sa guinguette intra muros. C'est qu'au Mercière le magnum de vin n'est jamais bien loin étant donné que les amis ont table ouverte à vie. Son amie Pascale dit, « c'est un homme de rencontres ». Marque du destin, la plus belle fait irruption dans la cuisine par poste TV interposé. En plein entretien, Philippe Léotard jeune et beau ne cesse de  conter fleurette à Marlène Jobert. Les souvenirs abondent, la rencontre avec Nathalie Baye sur la cantine « D'une semaine de vacances », la 4L, son fiancé, Philippe Léotard racontant à notre chef les batailles napoléoniennes jusqu'au bout de la nuit ! Un Léotard qui accueille Manoa au lever avec des fleurs. « Je regrette encore ce bouquin que l'on devait faire qui s'appelait Le Palais ».

 

Pascale revient avec un trésor, des pages sur lesquelles l'acteur tourmenté a dactylographié une prose devenue touchante par la force des choses : « Un mien ami vivait au fond du Beaujolais... Que mange-t-on ici ? Que met-on dans les fours ? Qui fait rougir les joues et le nez des humains ?... Oublions les assiettes ; nous en étions là. Patiemment mon ami tirait sur ses moustaches... ». Il semble que quelqu'un manque à la table ; Manoa bascule en touche par un aveu, « nous étions tous amoureux de Nathalie Baye ». Soudain jusque-là plutôt discret l'ami Roger fait hurler de rire l'assemblée en répondant au portable, « comment il est à Ibiza, il n'est plus en prison ? ». Par la suite le restaurateur mondain ayant sévi à Saint Trop, Ibiza, Los Angeles et Saint Domingue va se révéler intenable en pitre follasson...



Revenons-en à Manoa ; bricoleur, il a refait une partie du beau sol à motifs en carreaux ciment. C'est encore un chineur, peu de meubles si ce n'est des buffets de récup, un meuble de marchand en guise de séparation dans la grande chambre blanche. De jolies tablettes Art-Déco dans l'entrée. Adepte de la Fiac, Manoa a un faible pour les artistes maudits, surdoués, fauchés... À commencer par cette immense branche fleurie qui traverse la cuisine, production de Vincent Girard, deux toiles de Jim Léon, le peintre naturaliste à la sensibilité exacerbée. Curiosité, la production de Pénélope, touche à tout touchante qui a laissé ici une toile bleue greffée de vrais barreaux... Des choix trahissant les coups de cœur, la spontanéité du gaillard probablement mécène à ses heures. Dans sa cuisine dominée par un fourneau dressé en îlot rouge, il s'interroge sur l'identité de la cuisine actuelle. « Confusion ou fusion totale ? ». Son maître à penser restera probablement Alain Chapel, mais il est revenu tout chose de sa virée chez El Bulli, l'Espagnol Adria Ferran régénérateur gastronomique aux manières de chimiste. Cela dit, le monde plus complexe du vin à ses faveurs. « La dégustation d'un Ausone 1990 a été un choc », et de pousser à la surenchère « Vendons Pétrus, achetons Ausone ».



 

À sa table une intrigante carafe, il s'agit de l'Ovarius, genre de théière transparente « qui intensifie les défauts ou les qualités du vin » fruit de l'imagination d'une rencontre encore, Michel Patois, étiomédecin de sa personne. Curieux de tout, Manoa suscite intérêt et évidemment propositions professionnelles. Quand Ancel lui a donné les clefs du futur Plato, il a installé Pierre Molin, solide garçon qui « pérennise l'affaire en bon père de famille ». Depuis le 15 décembre, il gouverne seul les Planches. On lui parle alors du passage d'un couple de journalistes peu ravi, il rétorque sincère : « Je ne peux pas laisser dire ça. J'ai 50 personnes autour de moi, des humains pas des machines. Est-ce que ceux qui critiquent font du cristal ? Depuis deux ans, je cherche à améliorer la qualité après la politique de terre brûlée conduite en 2003, j'ai ramé en 2004 pour redorer et 2005 a connu le meilleur travail qui ait été donné aux Planches depuis l'ouverture ». Consulté pour gérer le pôle cuisine du tout nouveau Life Can Wait, Jean Louis Manoa a décliné, guidé par une envie de prendre du recul suite à des problèmes d'ordre personnel. Des fois, il faut savoir faire table rase, même Manoa le sait.

 


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