L'affaire Dreyfus.com ne faillit pas...
De notre correspondant Mehdi
Alexandre Dreyfus, jeune premier adulé par
l'ensemble des médias en 2000, s'est fait
discret en 2002 pour se consacrer à son bébé on
line, Webcity. Et pour cause la start-up
lyonnaise valorisée en 2001 à des sommes
indécentes lors de l'entrée de Carrefour dans
son capital, n'a de cesse d'être déficitaire
depuis sa création il y a 5 ans et ne doit sa
survie qu'à l'imagination de son PDG, résolument
décidé à faire grandir sa petite entreprise. Des
premiers pas sur le net aux moments de gloire du
« Wild Wild Web »,la city story du site est
aussi celui d'un homme. Portrait.
Lorsque le jeune « padawan » Dreyfus naît
en 1977 à Lyon, rien ne le prédestine à priori
au rôle du chef d'entreprise médiatisé qu'il
incarne aujourd'hui. Rien, bien que son père,
lui-même à la tête d'une compagnie aérienne
privée, semble représenter un modèle de travail
pour son fiston.
La petite histoire raconte que le marmot
apprendra à lire, écrire et utiliser un
ordinateur en même temps. A 6 ans en effet, il
reçoit un préhistorique computer du model « Hector »
avec lequel il fera ses premières armes (aussi
embryonnaires soient-elles).
Dix
années plus tard, Alexandre veut quitter
l'école, monter son association d'info et travailler dans le domaine
du CD-Rom. Rien n'y fera : ses parents
s'opposent à leur ado qui devra attendre
pour réaliser ses envies.
Durant l'année 1994,
Alexandre Dreyfus lance son premier serveur
télématique avec un ami graphiste : Mediartis
qui servira une centaine de connectés. Le
contenu : horaires de ciné, infos locales et
forum ouvert - de là le « city-guide » fait sa
première apparition discrète dans le paysage
électronique.
En octobre 95, Alexandre rencontre Raphaël
Boukris lors de l'inauguration du
Connectik Café, avec qui il créera 5
mois plus tard une société de création de site
internet, du nom de Mediartis
(évidemment), dans laquelle Alexandre gardera
des parts jusqu'à son rachat par le groupe
Publicis. Il refuse de passer son bac en 96,
et la direction de son lycée lira la juste
prétention du jeune freluquet dans son courrier
de départ : « Ce n'est pas en ayant peur du
bac mais en tant qu'entrepreneur » qu'il
quitte sereinement le cocon de l'éducation.
Début
1997, il lance Cybergone, site de
proximité, qui marque alors le début des
city guides. Fin 97, il quitte l'équipe de
Mediartis pour se consacrer à
Cybergone (en gardant 20% de la Web
agency).
Il déclare avoir investi 35 000 F
prêtés par ses proches, et un apport de 15 000
F, valeur de son ordinateur dans la SARL
Dreyfus. Il rejette donc son étiquette de « fils
à papa » devant tout à sa famille, néanmoins ce
sont les seuls chiffres qui nous seront
communiqués. L'année est prolifique pour la
petite affaire. Accompagné d'un journaliste et
d'un technicien à mi-temps, Cybergone
devient Cyberchti à Lille et
Cybertminot à Marseille.
Premier coup de force du désormais loup du net,
les trois sites deviennent Webcity - une
marque - démarche marketing qui s'accompagne
d'une levée de fond de 12 millions de francs qui
font entrer Dassault Développement et
Auriga dans le capital de la start-up à
hauteur de 40%. La même année, un paysagiste
lyonnais entre dans le capital à hauteur de 10%.
La
pérennité financière de la société permet alors
l'expansion du désormais produit « Webcity ».
L'été 99 compte 10 salariés sur 5 villes de
l'hexagone et en moins de 8 mois ce seront 50
salariés qui se partageront 37 villes
françaises. L'explosion du net amène avec elle
une armada d'une dizaine de concurrents à la
société qui malgré sa place de leader n'arrive
pas à dégager de CA suffisant pour ne pas être
déficitaire.
Webcity
tente alors l'expérience de l'étranger en
Belgique, Suisse et Angleterre qui ne perdurera
pas longtemps. La crise du Nasdaq balaye
le marché de l'Internet, et l'entreprise va
alors mal : « J'ai eu peur malgré
l'assainissement du marché ». Alexandre
décide de revendre les parts de la société
prises début 99 dans le projet « Comclick ».
30 000 F investis lui font gagner près de 12
millions de francs, ce qui sauve la société en
septembre 2000.
Comme un bonheur n'arrive jamais
seul, le groupe Carrefour s'intéresse à
Webcity pour développer son pôle Internet :
c'est le début de la belle affaire...
De source formelle, Carrefour investit
dans 20% du capital de Webcity, espérant
adapter son e-commerce de proximité au serveur
d'Alexandre Dreyfus. La levée de fond bien
évidemment non communiquée mais probablement de
plusieurs millions de francs aurait alors
valorisé la société à près d'une centaine de
millions de francs. Alexandre ne perdra pas
toutefois les pédales, son entreprise n'ayant
pas atteint son point d'équilibre. Une année de
partenariat va toutefois se conclure lorsque
Carrefour annonce retirer ses billes du
marché de l'internet.
Au
terme de 4 mois de négo, Alexandre obtient le
rachat de l'intégralité des parts de son bébé
pour une bouchée de pain. On parle
aussi de 10 millions de francs d'apports
supplémentaires de Carrefour pour son
départ, information de couloir qui semble peu
probable...
Ce qui est sûr, c'est qu'après cette judicieuse
opération, Webcity se met à l'ombre des
ennuis et détient alors assez de cash pour
maintenir l'entreprise en vie quelques temps.
Une fois de plus, le chef de meute aura sauvé
ses petits.
Le 23 avril dernier, un accord de partenariat
avec NRJ met à dispo les 300 commerciaux
du Network pour la vente des espaces
publicitaires des sites de chaque ville. Tout
rentre dans l'ordre pour l'entreprise qui
prévoit de ne plus enregistrer de pertes l'an
prochain (ils disent tous ça). Alexandre mène
donc sa barque avec son équipe constituée de 38
personnes pour 8 bureaux dans 37 villes relais
et bientôt dans 75 villes au total .
Fort de son métier « passion », Alexandre
Dreyfus est à 24 ans un habile financier doublé
d'un réel talent d'entrepreneur. Sa jeunesse et
son allure décontractée (négligée ?) deviennent
même une arme : « J'ai été naïf ou alors j'ai
bien fait semblant ! ».
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