Deux moines « Tombé(s) du ciel »
De notre correspondant Mehdi
Essai sur l'univers noctambule : il y a les bars branchés,
les bars à thé, fréquenté par des
bobo, parfois par des prolos, il y a
les cafés intello, les comptoirs snobo,
ceux people, les bars à poules, les
bars à bulles, les bars à cul, le bar
de bidule, « le » bar concept, les
bars à vin, à 51, les bars électro,
les bars d'Alexandrie, d'Alexandra,
les bars gay, gai ou Goudou, les bars
black, les barbeurs, les bars chalala
, les bars « cha lala la la lalala » .
Vous l'aurez compris y'en a marre des
bars... quoi qu'un petit dernier pour la
route ? Tombé du Ciel pas exemple ?
L'histoire remonte trois années avant notre ère : un fils
de charpentier change la face du monde
en apportant la bonne parole aux
hommes. Deux mille ans plus tard, le
phénomène est devenue une
institution : organisée sous l'égide
d'une organisation internationale,
l'Eglise Catholique malgré un nombre
d'abonnés en baisse se positionne
parmi les trois leaders mondiaux en
terme de communication céleste. Sur le
terrain les hommes de foi ont parfois
mauvaise presse et c'est un tort
avéré : la preuve par l'exemple,
Eric Audo et Dominique Dessolin
qui tiennent le très sympathique bar
de la rue Port du Temple dans le
second arrondissement.
Premier choc, à l'entrée de la rue. D'une part il y a le
pâté EDF-GDF, symptomatique de
l'architecture d'après guerre, d'autre
part une pléiade d'établissements tous
plus déroutant les uns que les autres.
Sans compter les filles de joie, et
les éclairages « vintage » de la
municipalité. Tout pour plaire en
somme. Au cur de cet univers
parallèle - assez éloigné d'ailleurs
des boutiques lyonnaises et des restau
branchés qui pullulent dans le
quartier - Tombé du Ciel, petit
bar aux couleurs pastels, est née
d'une idée simple : créer un lieu
d'écoute dans la nuit.
Tous deux moines parmi les « Oblats de Marie Immaculée »,
congrégation religieuse catholique,
les deux patrons de Tombé du Ciel
avaient su rester des noctambules
avisés. Leur seul regret : l'église
n'était pas présente dans les milieux
de fête. L'idée originale de réaliser
un bar de nuit rassemblant tous les
horizons fût un défi au sein de leur
congrégation : néanmoins Eric et
Dominique, alors aumôniers respectif
d'une école et dans un hôpital, se
montrèrent déterminés à réaliser leur
mission. Six années et quelques
secondes plus tard, Tombé du Ciel
est devenu un lieu de rencontre
étonnant.
Ne nous y trompons pas : aucun signe avant coureur
d'intégrisme ne touche ce bar. Aucune
religion n'y est exposée. Pas de
bible, ni de crucifix au mur. Le
comptoir rassemble une de population
ambiguë dans une belle disparité. De
jeunes étudiants, des cadres
dirigeants, des filles de la rue, des
homos, des hétéros et mille autres
typologies de clients dansent et
s'amusent sur les hymnes de Barbara,
Piaf, Aznavour... Les soirées à thème
sont à l'honneur, dernière en date ce
jeudi la soirée pieds dans l'eau. On y
fête Noël en juillet où encore la
nouvelle année en juin.
Quant aux taverniers, ils cèdent souvent leur place à
quelques clients improvisés barmen.
Une fois de plus on y comprend rien :
nos préjugés seront remis en question
par un serveur qui vous annonce en fin
de soirée qu'il est le directeur
machin chose de telle société !
Armez-vous donc du décalage nécessaire
pour vous amuser et ne manquez pas de
mettre les pieds dans ce bar qui défi
l'ordre établi... Un comble dans notre
bonne ville honorable.
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