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Les humeurs de
Justin Calixte
Chronique satirique du
2 juillet 2007
PAPIER D'ADIEU
Ceux qui ne connaissent pas Philibert Charrin ont
bien tort. Ce fils (ô combien) spirituel des dadaïstes est évidemment
moins connu que les « m'as-tu-vu » de l'art contemporain estampillés par
le lobby du culturellement correct. Il faut dire que notre homme fut
discret. Il aimait répéter cette citation d'Eugène Delacroix : « Je
ne puis souffrir qu'un artiste se montre... ». Voilà qui détonne en ces
temps de surexposition médiatique des « artistes » à la mode. S'il avait
accepté le jeu imposé par les trissotins de l'art pompier du moment, sans
doute serait-il considéré aujourd'hui comme « l'un des précurseurs
français de l'art contemporain. » Dixit le critique Alain Vollerin.
Il faut dire que Philibert Charrin, homme au caractère bien trempé fut un
touche-à-tout irrespectueux, insupportable à tous ceux qui aiment les
artistes bien rangés. Après avoir touché au dessin d'humour avec le
lyonnais Roger Sam et à la publicité, il quitta notre ville pour
Paris où il se consacra à la peinture et aux collages.
Je me souviens avec émotion d'une expo renversante en 1959
à la galerie St Georges où il donnait à voir ses « équivaucluses ». Des
collages poétiques et facétieux qui, disait-il, allaient plus loin que les
« équivalences ». Le Vaucluse étant, chacun le sait, plus éloigné de Paris
que Valence. L'homme aimait jouer avec les mots comme les images. Depuis,
on pouvait admirer son travail à « la Capitale » ou à la « galerie 26 » à
Paris, ou bien sûr au « Soleil sur la place » à Bellecour qui lui consacra
ces derniers temps quelques belles expos.
Il vient de mourir dans sa 88ème année. Nul doute qu'il aurait
vu dans ce double 8 un signe d'infini paroxystique. Il était né à
Montmerle sur Saône le 14 avril 1920 dans une maison devenue aujourd'hui
l'Hôtel restaurant Emile Job. Comme le papier ! Rien d'étonnant à ce que
Philibert ou Paul (on n'a jamais bien su !) Charrin fasse carrière en
assemblant papiers de riz ou d'Arménie. Son travail, qui ne fut pas
toujours compris par les critiques, était délicat et sensible. Poétique.
Ses uvres faites de hasard maîtrisé et de vieux papiers traduisaient
cependant parfaitement les valeurs de la peinture. Il fut de ceux qui ne
supportaient pas le verbiage des critiques d'art - « Quand on parle du
travail au peintre, les paroles sont suspectes » - les écoles et les
mouvements en « isme ». Par provocation, il créa, avec ses amis
Cottavoz, Fusaro, Truphémus, et quelques anciens élèves
des Beaux Arts de Lyon, le « sanzime », mouvement volontairement éphémère
qui se fit hara-kiri à peine né. Sanner et Doyle en firent
partie. A l'heure où leur ami Philibert Charrin les rejoint pour
l'éternité, la galerie « La nouvelle échelle d'or », 162 rue de Séze, rend
hommage à ces deux artistes trop méconnus. Espérons pour bientôt, au musée
Dini ou pourquoi pas au Musée des Beaux Arts une rétrospective pour celui
qui restera toujours l'un de mes maîtres.
Si vous
souhaitez réagir à cette chronique :
justin@lyonpeople.com
à
suivre, Chronique satirique du 18 juin 2007
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