Ça n'a pas dû plaire au petit Nicolas !
Ce livre est recommandé depuis 20 ans par l'Education nationale, il est lu
dans les écoles. Parfois, je rencontre des jeunes qui ont 30 ans et que
j'ai rencontré il y a 20 ans, en 1986, dans leur établissement au collège
et me disent avoir été marqués par la lecture de ce livre qui aura été le
premier livre qu'ils ont lu jusqu'au bout ! Ça me fait plaisir ! Quand on
parle de cinéma et de littérature, un film qu'on a vu, un bouquin qui nous
a profondément marqué, ça reste toute la vie. Tout comme un prof ou une
prof, qui nous a vraiment plu, reste toute la vie ! Les hommes politiques,
on ne peut pas en dire autant...
Votre père ne s'est pas reconnu dans le film qui a été tiré de votre
livre. Surtout dans le passage où il vous fouette...
Normal ! Ce n'était pas un fouet, c'était une ceinture !
Oui, mais votre papa ne s'est pas reconnu... Vous avez voulu faire pleurer
dans les chaumières, Azouz ?
Pas du tout. Mais nos vieux étaient très durs avec nous... Ils savaient que
nous avions une chance inouïe de réussir notre ascension sociale grâce à
l'école, et il était hors de question de la manquer ! Quand je ramenais
mon carnet scolaire à la maison, vu que mes parents ne savaient pas lire
et qu'il y avait des annotations marquées en rouge, ça le faisait flipper
car rouge = danger ! Il sortait sa ceinture...
Nico : Dès qu'il voyait du rouge ?
Oui, il voyait rouge ! (Rires) Peut-être que lorsque mon père était
vivant et qu'il a vu cette scène du film, il ne se rendait pas compte que
la violence contre les enfants ce n'était pas la meilleure méthode pour
faire rentrer l'éducation dans la tête des enfants. Il n'avait pas encore
lu Florence Pernoud « j'élève mon enfant », ni Françoise Dolto... (Rires).
Comme il ne sait pas lire, c'était des coups de pied au cul, ceinture sur
les fesses...
Nous avons retrouvé le martinet qu'il utilisait. Un modèle de luxe...
(Rires) C'était les petits Français qui utilisaient ça. Chez nous,
il y avait la ceinture car c'était gratuit ! (Rires) Alors que le
martinet, il fallait l'acheter ! On gagnait tellement peu d'argent qu'on
ne pouvait pas s'offrir le martinet !
C'est la maman d'Azouz qui me l'a donné tout à l'heure. Je suis allé la
voir à Villeurbanne et elle m'a donné cette relique !
Comment tu sais qu'elle habite à Villeurbanne ?
Je connais toute votre vie ! Après votre baccalauréat, vous obtenez un
doctorat en économie à Lyon II sur le thème "L'Immigré et sa ville...
J'ai fait d'abord un BTS Technico commercial dans le génie électrique au
Lycée de la Martinière où est allé Khaled Kelkal, ça m'avait beaucoup
marqué ! Je pouvais à la sortie de ces deux années faire un métier
lucratif, en vendant des choses, j'étais assez bon en électricité. C'était
mon truc, mais plutôt électricité mathématique, les formules pour calculer
les courants, les énergies, les puissances,...
Comment de l'électricité, vous avez basculé à l'économie ?
Grâce à ma prof d'économie. J'ai toujours conduit mon parcours scolaire et
universitaire en fonction des profs que j'ai rencontrés. Ils étaient
sympas, remplis d'énergie positive, et arrivaient à me faire partager leur
savoir. Quand on aime les profs, on apprend plus facilement que quand on
ne les aime pas... Je suis donc devenu économiste, mais j'aurais pu devenir
médecin, n'importe quoi, j'aimais apprendre. C'est surtout le fait
d'apprendre qui est important.
Suite de l'interview
|