Après votre diplôme, avez-vous effectué votre service militaire ?
Non. Algérien... Je suis né à l'hôpital Edouard Herriot en 1957 mais il
s'est passé quelque chose en 1962... Il y a eu l'indépendance de l'Algérie.
Donc je me suis retrouvé Algérien car je suis de parents algériens... Bien
que nous fussions en France, nous avions des papiers algériens. À 18 ans,
on m'a demandé d'avoir une carte de résidence, de séjour comme chante
Rachid Taha avec le groupe Carte de Séjour « Douce France ». C'est comme
ça que je suis devenu Algérien né à Lyon. Alors qu'à la Duchère où
j'habitais, tous mes potes Lopez, Hernandez, Martinez nés en Algérie
étaient Français. Donc à 18 ans, quand il a fallu faire le service
militaire, comme je n'étais pas Français, il fallait le faire en Algérie
pendant 2 ans mais je ne pouvais pas car je faisais mes études en France.
Donc chaque année je demandais des sursis, pour me permettre de poursuivre
mes études jusqu'à leur terme. Et puis 15 ans, 20 ans sont passés au cours
desquelles je ne suis jamais allé en Algérie pour ne pas être ennuyé par
ces histoires.
Vous êtes donc un déserteur ?
Non, un sursitaire ! Je n'ai donc jamais fait l'armée. Quand j'ai obtenu
la nationalité française, j'avais 30 ans, et je ne pouvais plus faire
l'armée car j'étais trop vieux. Ça ne m'aurait pas déplu.
Jeune diplômé, vous combinez des fonctions d'enseignant à l'École
centrale de Lyon et de chercheur au CNRS. En quoi consiste ce job ?
Je me suis retrouvé à France 3 Lyon en 1989, pour la première fois je suis
invité à l'université américaine de Cornel en tant que « visiting
professor ». Les types me disent : « On vous connaît, vous avez fait deux
livres ». Une équipe de France 3 est venu me filmer là bas et je leur
disais « D'après ce que je vois et ce que je sens, si on ne fait pas
quelque chose pour favoriser la diversité française pour faire rentrer des
jeunes des banlieues dans la politique, ça va péter ».
Mais ça avait déjà "pété" en 1981 aux Minguettes. Vous n'avez rien inventé !
Non ! C'était rien du tout ! C'était peanuts ! La vraie insurrection qui a
définitivement mis un terme au modèle français d'intégration, ça s'est
passé en octobre-novembre 2005 sous le règne de M. Sarkozy ! C'est 15 000
voitures brûlées dans tous les quartiers de France, 200 millions d'euros,
c'est toutes les télévisions du monde présentes sur le territoire
français !
On dirait que vous vous faites plaisir en donnant ces chiffres ? Vous
n'avez pas l'impression d'être un peu cynique ?
C'est ça la vraie déflagration !
Expliquez-nous votre job plutôt que de faire le prophète !
C'est d'être sur les terrains, comme
celui de l'exclusion, de la ghettoïsation, de l'intégration dans les
banlieues... Il y a 20 ans que je suis au fait de ce qui se passe, de
pouvoir anticiper et de pouvoir prévenir les autorités politiques, et
apporter des solutions « avant ».
Mais en quoi consiste concrètement ce boulot de chercheur ?
Vous savez qu'il y a des chercheurs en
musicologie, en histoire, en rhumatologie, en psychologie... il y a des
dizaines et des dizaines de discipline au CNRS ! Grâce à Dieu heureusement
il n'y a pas que les sciences dures et exactes ! Il y a des sciences
douces, sociales et humaines dont on ferait mieux aujourd'hui de se
référer pour essayer de faire avancer en 2007 la France dans le bon sens...
Surtout sur le plan social et humain pour connaître la psychologie dans
ces territoires de banlieue c'est quand même important pour un homme
politique de savoir juste ce qu'il s'y passe, non ?
Ils ont les RG pour ça non ! Les Renseignements généraux se sont en effet
intéressés de près à vos travaux. Delà à faire l'indic, il n'y a qu'un
pas...
Vous dites vraiment n'importe quoi !
Suite de l'interview
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