Dans votre pension
chic de Notre Dame de Bellegarde, on vous retrouvait devant à fayoter ou
au fond à côté du radiateur ?
Au milieu ! (rires) Je n'ai jamais bien apprécié les
fayots, ça ne me ressemble pas. Mais je n'étais pas près du radiateur non
plus, j'essayais de suivre, de m'accrocher.
Avez-vous décroché
votre BAC ?
Ah non !
À quel moment arrêtez-vous la scolarité classique?
En seconde, après différentes étapes.
Vous intégrez
ensuite Lesdiguières, l'école hôtelière de Grenoble... où vos camarades de
jeu s'appellent Jean-Claude Caro et Luc Reversade.
Tout à fait ! Et d'autres !
C'est un choix personnel ou celui de la famille Lacombe ?
Je me souviens très bien du jour où j'ai décidé de faire ce
métier. J'étais un peu acculé, il fallait que je fasse quelque chose ! Ma
mère a tout fait pour m'en décourager, parce que je crois qu'elle a
souffert de cette situation... Je crois que la restauration, et encore plus
à cette époque, ça bouffe la vie familiale ! Elle s'est mariée très jeune,
a eu deux enfants, mais a manqué la joie de les élever. Elle a tout fait
pour m'en dissuader mais mon père était très heureux.
L'école hôtelière,
c'était un vrai plus ?
Il faut rendre hommage à mes parents car à l'époque il
était mieux vu de faire son apprentissage chez un patron. Ce n'est pas
moi qui ai décidé, mais ça m'a permis d'aller à l'école encore 3 ans
jusqu'au BAC technique hôtelier, d'avoir des notions de gestion, de
comptabilité, de parler anglais, espagnol... Ca m'a beaucoup servi par
rapport à mes futurs collègues restaurateurs qui avaient fait
l'apprentissage sur le tas.
Quel souvenir
gardez-vous de ces années grenobloises ? C'était la fête ?
Ahhhh ! Les bons souvenirs de Grenoble ! (rires)
Fabienne Lacombe
: Caro est passé par là !
Les années grenobloises sont forcément de bons souvenirs
car c'est là que je me suis fait de très bons amis qui l'ont été de
nombreuses années et certains encore ! Nous devions avoir 16/17 ans,
l'école était mixte, c'était l'époque des mini pulls et des chaussettes de
couleurs ! On logeait en ville, c'était en 1966/67/68, avant les JO... il
faut se souvenir de tout ce qui allait avec cette époque : on a eu une
jeunesse extraordinaire, il n'y avait pas de chômage pas de Sida, et
c'était le début de la pilule ! Vive la vie ! (rires)
Obtenez-vous votre diplôme ?
Non, car je ne le passe pas ! On ne m'a pas compris, et je
n'ai pas pu aller jusqu'à la fin de ma scolarité ! (rires) C'est
mon gamin, quand il va lire ces phrases, j'ai beau lui dire comme c'est
important ! On ne peut pas passer l'interview en septembre, il a le BAC au
mois de juin !
Vous vous êtes fait
virer en dernière année... Votre père n'a pas du apprécier la plaisanterie !
Les choses ont changé ce jour là, car du jour au lendemain,
il a serré les écrous. Il m'a obligé à terminer mon apprentissage rue
Pleney avec lui, mais comme à l'école je devais passer le CAP de cuisine
et de salle, il m'envoyait le dimanche travailler en extra donc c'était du
non stop ! Je faisais la cuisine chez lui le dimanche et j'allais servir
dans une maison extraordinaire, Le Chapon fin à Thoissey, chez son grand
copain Paul Blanc. C'était non seulement très formateur mais avec le
recul, c'était sans fin, les gens passaient à table à 14h, le service de
midi se terminait vers 16h30/17h. Il fallait redresser pour le soir...
C'était l'époque de ces dimanches à la campagne qui n'existent plus. J'ai
passé les deux CAP avec succès et pour lui faire plaisir, j'ai même passé
le CAP de pâtissier. J'ai affiché mes trois décorations au Petit Léon ! (Rires)
Avez-vous fait votre
service militaire ?
Oui bien sûr, et j'en suis très fier ! J'ai quand même
essayé de me faire réformer ! Je l'ai fait dans un régiment du train : les
classes à Fontainebleau, et après mess des officiers, place Saint Augustin
à Paris.
Ça sent le piston à plein nez !
Je vais vous dire, il ne faut pas être contre le piston !
Piston ou pas piston, il faut savoir l'utiliser à bon escient, mais j'ai
rarement autant travaillé dans ma vie en étant aussi peu payé !
Vous n'étiez pas payé, mais qu'est-ce que vous vous êtes encanaillé !
C'est sûr, et j'ai même eu la chance d'avoir une chambre en
ville et de vivre en civil ! Je ne sais pas si vous connaissez ce cercle
des officiers place saint Augustin à côté de la Madeleine... On faisait tous
les mariages, c'était un privilège énorme ! Mais vous n'avez rien d'autre
sur ma période de régiment ? Pourtant il y en aurait des choses à dire,
vous vous êtes mal démerdé ! (rires)
Suite de l'interview
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